Poème 'Nobles et valets' de Gérard de NERVAL dans 'Odelettes'

Nobles et valets

Gérard de NERVAL
Recueil : "Odelettes"

Ces nobles d’autrefois dont parlent les romans,
Ces preux à fronts de boeuf, à figures dantesques,
Dont les corps charpentés d’ossements gigantesques
Semblaient avoir au soi racine et fondements ;

S’ils revenaient au monde, et qu’il leur prît l’idée
De voir les héritiers de leurs noms immortels,
Race de Laridons, encombrant les hôtels
Des ministres, – rampante, avide et dégradée ;

Êtres grêles, à buscs, plastrons et faux mollets : -
Certes ils comprendraient alors, ces nobles hommes,
Que, depuis les vieux temps, au sang des gentilshommes
Leurs filles ont mêlé bien du sang de valets !

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Commentaires

  1. Le Valet Jaune a pris la carte où la sirène
    S'apprête à consulter la sorcière des mers ;
    Le Valet Mauve a pris celle où le lézard vert
    Sur sa guitare joue pour l'amour d'une reine.

    Pour le Valet Orange, un bateau sur la Seine ;
    Pour le Rouge, une cage aux fins barreaux de fer
    Dans laquelle un grillon récite du Prévert.
    Le Valet Rose hésite entre la marjolaine

    Et le catoblépas, puis prend le tamanoir.
    Le Maître a conservé, aux tréfonds d'un tiroir,
    Cinq fidèles copies de ces cartes étranges.

    Mais ce tiroir magique altère les dessins,
    Tandis que les valets permutent, à dessein,
    Les cartes qui sont leurs, en de nombreux échanges.

  2. Valets de Bucéphale
    ----------

    Ils auraient préféré servir une sirène
    Ou devenir tous deux pirates sur les mers ;
    Les voilà serviteurs de ce cheval pervers,
    Le coursier d’Alexandre et de la souveraine.

    Ils auraient préféré naviguer sur la Seine,
    Servir Peter Schlemihl, ou le Masque de Fer ;
    Mais ils portent l’écu d’un démon des Enfers,
    Un animal fantasque, un destrier obscène.

    Si leur noble seigneur était un tamanoir,
    L’horizon de leur vie ne serait pas si noir ;
    Même si cette bête a des moeurs bien étranges.

    Ils ont beaucoup prié la Vierge, et tous les Saints
    Qu’ils voient représentés sur de naïfs dessins,
    Que leur sort s’améliore et que de maître ils changent.

  3. Le chien rouge et ses camarades
    -----------------------------

    Le chien jaune écoutait le chant de la sirène
    Car, vous l’imaginez, c’était un chien de mer ;
    Le chien mauve a suivi les cours du lézard vert,
    Espérant intégrer l’orchestre de la Reine.

    Le chien orange avance en bateau sur la Seine,
    Mais le rouge préfère être en chemin de fer,
    Car cela lui rappelle un texte de Prévert.
    Le chien rose cultive un pied de marjolaine.

    Or, tous ces chiens savants sont amusants à voir,
    J’aime les rencontrer, j’admire leur savoir,
    Ces cinq fiers compagnons aux coutumes étranges.

    J’aurais même voulu vous en faire un dessin,
    Mais mon pinceau ne peut accomplir ce dessein,
    Il ne sait pas capter leur expression qui change.

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Gérard de NERVAL

Portait de Gérard de NERVAL

Gérard de Nerval, pseudonyme de Gérard Labrunie, né à Paris le 22 mai 1808 et mort à Paris le 26 janvier 1855, était un poète français. Il passe son enfance dans le Valois, dont les paysages furent source d’inspiration. A Paris, il mène une vie de bohème, fréquente le ‘Cénacle’ de Victor Hugo puis publie une... [Lire la suite]

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