Poème 'Le Chasseur noir' de Victor HUGO dans 'Les Châtiments'

Le Chasseur noir

Victor HUGO
Recueil : "Les Châtiments"

Qu’es-tu, passant ? Le bois est sombre,
Les corbeaux volent en grand nombre,
Il va pleuvoir.
- Je suis celui qui va dans l’ombre,
Le Chasseur Noir !

Les feuilles des bois, du vent remuées,
Sifflent… on dirait
Qu’un sabbat nocturne emplit de huées
Toute la forêt ;
Dans une clairière au sein des nuées
La lune apparaît.

- Chasse le daim, chasse la biche,
Cours dans les bois, cours dans la friche,
Voici le soir.
Chasse le czar, chasse l’Autriche,
Ô Chasseur Noir !

Les feuilles des bois -

Souffle en ton cor, boucle ta guêtre,
Chasse les cerfs qui viennent paître
Près du manoir.
Chasse le roi, chasse le prêtre,
Ô Chasseur Noir !

Les feuilles des bois -

Il tonne, il pleut, c’est le déluge.
Le renard fuit, pas de refuge
Et pas d’espoir !
Chasse l’espion, chasse le juge,
Ô Chasseur Noir !

Les feuilles des bois -

Tous les démons de saint-Antoine
Bondissent dans la folle avoine
Sans t’émouvoir ;
Chasse l’abbé, chasse le moine,
Ô Chasseur Noir !

Les feuilles des bois -

Chasse les ours ! ta meute jappe.
Que pas un sanglier n’échappe !
Fais ton devoir !
Chasse César, chasse le pape,
Ô Chasseur Noir !

Les feuilles des bois -

Le loup de ton sentier s’écarte.
Que ta meute à sa suite parte !
Cours ! fais-le choir !
Chasse le brigand Bonaparte,
Ô Chasseur Noir !

Les feuilles des bois, du vent remuées,
Tombent… on dirait
Que le sabbat sombre aux rauques huées
A fui la forêt ;
Le clair chant du coq perce les nuées ;
Ciel ! l’aube apparaît !

Tout reprend sa forme première.
Tu redeviens la France altière
Si belle à voir,
L’ange blanc vêtu de lumière,
Ô Chasseur Noir !

Les feuilles des bois, du vent remuées,
Tombent… on dirait
Que le sabbat sombre aux rauques huées
A fui la forêt ;
Le clair chant du coq perce les nuées,
Ciel ! l’aube apparaît !


Jersey, 22 octobre 1852

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Commentaires

  1. Divinités de l'inframonde
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    Trois dieux dans l'inframonde sombre,
    Pas plus et pas moins que ce nombre :
    Matin et soir
    Le premier se tient dans une ombre
    Et fait pleuvoir.

    Le deuxième arpente la lande
    En récitant une légende ;
    On peut le voir
    Marcher sur sa robe trop grande,
    Quel désespoir !

    Le troisième est muni de guêtres.
    Il mène les lampyres paître
    Dans un terroir
    Qui à leur faim convient, peut-être,
    Comment savoir ?

    Que vienne les voir Saint Antoine,
    Chacun lui balance une avoine
    Sans s'émouvoir ;
    Car cet endroit n'accorde aux moines
    Aucun pouvoir.

    Ils sont trois dieux dans l'inframonde,
    Dans cette zone peu féconde ;
    Et leur manoir
    Est dans une fosse profonde,
    N'y va pas choir.

  2. Arche polychrome
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    Des Bouddhas, l’arche n’est pas sombre ;
    Ils sont trois, car j’aime ce nombre :
    Quand vient le soir
    Le premier, dissipant les ombres,
    Tient un miroir.

    Le deuxième observe la lande
    D’où sont venues tant de légendes ;
    On peut le voir
    Rajuster sa robe trop grande,
    Comme un peignoir.

    Le troisième parle aux ancêtres
    Et les aide à fixer leurs guêtres ;
    Gens du terroir,
    Vous irez consulter, peut-être,
    Son grand savoir.

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