Poème 'Les préludes' de Alphonse de LAMARTINE dans 'Nouvelles méditations poétiques'

Les préludes

Alphonse de LAMARTINE
Recueil : "Nouvelles méditations poétiques"

[...]
L’onde qui baise ce rivage,
De quoi se plaint-elle à ses bords ?
Pourquoi le roseau sur la plage,
Pourquoi le ruisseau sous l’ombrage
Rendent-ils de tristes accords ?

De quoi gémit la tourterelle
Quand, dans le silence des bois,
Seule auprès du ramier fidèle,
L’Amour fait palpiter son aile,
Les baisers étouffent sa voix ?

Et toi, qui mollement te livre
Au doux sourire du bonheur,
Et du regard dont tu m’enivre,
Me fais mourir, me fais revivre,
De quoi te plains-tu sur mon coeur ?

Plus jeune que la jeune aurore,
Plus limpide que ce flot pur,
Ton âme au bonheur vient d’éclore,
Et jamais aucun souffle encore
N’en a terni le vague azur.

Cependant, si ton coeur soupire
De quelque poids mystérieux,
Sur tes traits si la joie expire,
Et si tout près de ton sourire
Brille une larme dans tes yeux,

Hélas ! c’est que notre faiblesse,
Pliant sous sa félicité
Comme un roseau qu’un souffle abaisse,
Donne l’accent de la tristesse
Même au cri de la volupté ;

Ou bien peut-être qu’avertie
De la fuite de nos plaisirs,
L’âme en extase anéantie
Se réveille et sent que la vie
Fuit dans chacun de nos soupirs.

Ah ! laisse le zéphire avide
À leur source arrêter tes pleurs ;
Jouissons de l’heure rapide :
Le temps fuit, mais son flot limpide
Du ciel réfléchit les couleurs.

Tout naît, tout passe, tout arrive
Au terme ignoré de son sort :
À l’Océan l’onde plaintive,
Aux vents la feuille fugitive,
L’aurore au soir, l’homme à la mort.

Mais qu’importe, ô ma bien-aimée !
Le terme incertain de nos jours ?
Pourvu que sur l’onde calmée,
Par une pente parfumée,
Le temps nous entraîne en son cours ;

Pourvu que, durant le passage,
Couché dans tes bras à demi,
Les yeux tournés vers ton image,
Sans le voir, j’aborde au rivage
Comme un voyageur endormi.

Le flot murmurant se retire
Du rivage qu’il a baisé,
La voix de la colombe expire,
Et le voluptueux zéphire
Dort sur le calice épuisé.

Embrassons-nous, mon bien suprême,
Et sans rien reprocher aux dieux,
Un jour de la terre où l’on aime
Évanouissons-nous de même
En un soupir mélodieux. [...]

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

Aucun commentaire

Rédiger un commentaire

Alphonse de LAMARTINE

Portait de Alphonse de LAMARTINE

Alphonse de Lamartine, de son nom complet Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, né à Mâcon le 21 octobre 1790 et mort à Paris le 28 février 1869, est un poète et prosateur en même temps qu’un homme politique français. Il représente l’une des grandes figures du romantisme poétique en France. Il naît dans une... [Lire la suite]

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS