A quatre prisonniers
(Après leur condamnation)
Mes fils, soyez contents ; l’honneur est où vous êtes.
Et vous, mes deux amis, la gloire, ô fiers poëtes,
Couronne votre nom par l’affront désigné ;
Offrez aux juges vils, groupe abject et stupide,
Toi, ta douceur intrépide,
Toi, ton sourire indigné.Dans cette salle, où Dieu voit la laideur des âmes,
Devant ces froids jurés, choisis pour être infâmes,
Ces douze hommes, muets, de leur honte chargés,
Ô justice, j’ai cru, justice auguste et sombre,
Voir autour de toi dans l’ombre
Douze sépulcres rangés.Ils vous ont condamnés, que l’avenir les juge !
Toi, pour avoir crié : la France est le refuge
Des vaincus, des proscrits ! – Je t’approuve, mon fils !
Toi, pour avoir, devant la hache qui s’obstine,
Insulté la guillotine,
Et vengé le crucifix !Les temps sont durs ; c’est bien. Le martyre console.
J’admire, ô Vérité, plus que toute auréole,
Plus que le nimbe ardent des saints en oraison,
Plus que les trônes d’or devant qui tout s’efface,
L’ombre que font sur ta face
Les barreaux d’une prison !Quoi que le méchant fasse en sa bassesse noire,
L’outrage injuste et vil là-haut se change en gloire.
Quand Jésus commençait sa longue passion,
Le crachat qu’un bourreau lança sur son front blême
Fit au ciel à l’instant même
Une constellation !Conciergerie, Paris. Novembre 1851.
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Victor HUGO
Victor-Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé français, considéré comme l’un des plus importants écrivains romantiques de langue française. Fils d’un général d’Empire souvent... [Lire la suite]
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