Poème 'Les Saints' de Émile VERHAEREN dans 'Les Douze Mois'

Les Saints

Émile VERHAEREN
Recueil : "Les Douze Mois"

Dreling, dreling,
C’est la fête de tous les Saints.

On en connaît qui sont venus,
- dites, de quels pays d’or et d’ivoire ! -
Depuis des temps que nul n’a retenus,
Dans ma contrée, en sa mémoire.
On en connaît qui sont partis de Trébizonde,
Dieu sait par quels chemins,
N’ayant pour seuls trésors au monde
Que deux lys clairs, entre leurs mains.

Dreling, dreling,
C’est la tête de tous les Saints.

J’en sais de très pauvres, mais très honnêtes,
Là-bas, au fond d’un bourg flamand,
Eloi, Bernard, Corneille, Amand,
Qui font le bien aux bêtes ;
Et quelques-uns laissés pour compte
Aux gens pieux qui vous le content,
En Campine, dans le pays amer,
Par des hommes qu’hallucinait la mer.

Dreling, dreling,
C’est la fête de tous les Saints.

D’autres règnent aux carrefours,
Où les commères les injurient,
A poings tendus, avec furie,
Dès qu’ils ajournent leurs secours ;
Et tels sont gras et tels sont maigres,
Les uns bossus, les autres droits,
Mais tous, revêtus d’or, comme autrefois
Les mages blancs et les rois nègres.

Dreling, dreling,
C’est la fête de tous les Saints.

En voici dont la pauvre image
Orne le môle d’un vieux port
Et que l’orage en ses doigts tord
Sur leur petit socle à ramages ;
D’autres sont là, près du bois sourd,
Dans une niche au creux d’un frêne,
D’où leur tête d’un poids trop lourd
A chu dans l’eau de leur fontaine.

Mais qu’importe qu’ils soient grandis
Ou rabaissés sur cette terre,
Saints de la pluie ou du tonnerre
Ne sont-ils pas au paradis ?
Aussi, pour ne froisser personne, ont-ils choisi
Leur fête en or, au temps précis,
Où les vents d’ouest, par les champs cornent,
Le premier jour du grand mois morne.

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Commentaires

  1. Saint Fonnik
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    Honneur à Saint Fonnik, il compose pour Dieu
    Un cantique nouveau sur un air que j’ignore;
    J’adore ce qu’il fait, lui qui Dieu seul adore,
    La musique, d’ailleurs, ça repose les yeux.

    La voix des instruments s’élève jusqu’aux cieux,
    Dans d’autres univers elle résonne encore ;
    Les anges sont pensifs, ils ne chantent pas mieux
    Que ce magique orchestre entendu dès l’aurore,

    Saint Fonnik, chantes-tu tes anciennes amours ?
    Nous dis-tu simplement la joie de chaque jour
    Dans ces nobles accords que transportent les ondes?

    Si ton art musical t’a fait devenir saint,
    C’est que le Créateur en avait le dessein,
    Désirant illustrer la beauté de ce monde.

  2. Chapelle au jardin de Verlaine
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    Édifice bâti pour on ne sait quel saint,
    Peut-être saint Lewis, l’ami de sainte Alice ;
    Sur l"autel resplendit l’or du sacré calice,
    Pesant est le missel posé sur un coussin.

    Sur les vitraux je vois d’héraldiques dessins,
    J’y trouve le serpent du Jardin des Délices ;
    Parfois, le long d’un mur, un vieux moine se glisse,
    De longuement prier son âme a le dessein.

    Un retable est orné d’un hérisson en boule
    Et d’un flacon porteur de ces mots : Buvez-moi ;
    Alice fait un geste, et le hérisson roule.

    Le fils du charpentier s’envole avec sa croix
    Vers la Tour de Babel alors qu’elle s’écroule ;
    Les Mages ont quitté leurs couronnes de rois.

  3. Calice au pays des merveilles
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    Le lapin blanc n’est pas un saint,
    Que jadis poursuivit Alice ;
    Mais il n’a pas trop de malice,
    Pas plus qu’un très jeune poussin.

    Je vois de Lewis les dessins
    Qui sont marrants, c’est un délice ;
    De cet univers, les coulisses
    N’abritent rien de trop malsain.

    Quel plaisir de perdre la boule
    Avec les cartes en émoi !
    Car ici, chacun se défoule.

    Le calice a dit « Buvez-moi » ;
    Humpty Dumpty parle à des poules,
    La Reine se moque du Roi.

  4. * * *
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    Calice pour limaces,
    sans malice.

  5. Saint Blaireautin
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    Mon âme n’est jamais tentée
    D’avoir au mensonge recours ;
    Je dis ma peine et mon amour,
    Ma franchise est illimitée.

    Le bien qui est à ma portée,
    Je l’accomplis quand vient mon tour ;
    Sans crainte s’écoulent mes jours,
    Ms nuits parfois sont enchantées.

    Ma demeure est comme un cellier ;
    Belle voûte, et pas de piliers,
    C’est mon domaine et mon empire.

    Je vis ma vie avec ardeur
    Pour le meilleur et pour le pire ;
    Je suis armé de ma candeur.

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