Poème 'La Chanson du rayon de lune' de Guy de MAUPASSANT dans 'Des vers'

La Chanson du rayon de lune

Guy de MAUPASSANT
Recueil : "Des vers"


Faite pour une nouvelle

Sais-tu qui je suis ? Le Rayon de Lune.
Sais-tu d’où je viens ? Regarde là-haut.
Ma mère est brillante, et la nuit est brune.
Je rampe sous l’arbre et glisse sur l’eau ;
Je m’étends sur l’herbe et cours sur la dune ;
Je grimpe au mur noir, au tronc du bouleau,
Comme un maraudeur qui cherche fortune.
Je n’ai jamais froid ; je n’ai jamais chaud.
Je suis si petit que je passe
Où nul autre ne passerait.
Aux vitres je colle ma face
Et j’ai surpris plus d’un secret.
Je me couche de place en place
Et les bêtes de la forêt,
Les amoureux au pied distrait,
Pour mieux s’aimer suivent ma trace.
Puis, quand je me perds dans l’espace,
Je laisse au cœur un long regret.

Rossignol et fauvette
Pour moi chantent au faîte
Des ormes ou des pins.
J’aime à mettre ma tête
Au terrier des lapins,
Lors, quittant sa retraite
Avec des bonds soudains,
Chacun part et se jette
À travers les chemins.
Au fond des creux ravins
Je réveille les daims
Et la biche inquiète.
Elle évente, muette,
Le chasseur qui la guette
La mort entre les mains,
Ou les appels lointains
Du grand cerf qui s’apprête
Aux amours clandestins.

Ma mère soulève
Les flots écumeux,
Alors je me lève,
Et sur chaque grève
J’agite mes feux.
Puis j’endors la sève
Par le bois ombreux ;
Et ma clarté brève,
Dans les chemins creux,
Parfois semble un glaive
Au passant peureux.
Je donne le rêve
Aux esprits joyeux,
Un instant de trêve
Aux cœurs malheureux.

Sais-tu qui je suis ? Le Rayon de Lune.
Et sais-tu pourquoi je viens de là-haut ?
Sous les arbres noirs la nuit était brune ;
Tu pouvais te perdre et glisser dans l’eau,
Errer par les bois, vaguer sur la dune,
Te heurter, dans l’ombre, au tronc du bouleau.
Je veux te montrer la route opportune ;
Et voilà pourquoi je viens de là-haut.

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Commentaires

  1. Cervidés grimpeurs
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    Grimpons au soleil,grimpons sous lal une,
    Grimpons à cet arbre, il fait bon, là-haut.
    Nous nous déplaçons dans la forêt brune
    Comme se déplace un poisson dans l’eau ;

    Galope sur l'herbe et cours sur la dune ;
    Puis monte au mur noir, au tronc du bouleau,
    Car c'est en hauteur qu'on cherche fortune,
    Tant pis s'il fait froid, tant pis s'il fait chaud.

    C'est nous les malins, les grimpeurs qui passent
    Où l'humain balourd point ne passerait ;
    Mais il prétendra, pour sauver la face,
    Que son corps pesant s'envole, en secret.

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Guy de MAUPASSANT

Portait de Guy de MAUPASSANT

Guy de Maupassant, né Henry-René-Albert-Guy de Maupassant le 5 août 1850 au château de Miromesnil à Tourville-sur-Arques et mort le 6 juillet 1893 à Paris, est un écrivain français. Les Maupassant étaient une vieille famille venue de Lorraine qui s’était installée en Seine-Maritime (Normandie) au milieu du XIXe siècle. Son... [Lire la suite]

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