La Grande Chambre
Et voici quelle était la chambre hospitalière
Où l’étranger trouvait bon gîte et réconfort,
Où les fils étaient nés, où l’aïeul était mort,
Où l’on avait tassé ce grand corps dans sa bière.Aux kermesses, aux jours de foire et de décor,
La ferme y célébrait la fête coutumière,
Et jadis, quand vivait encore la fermière,
Elle y trônait, au centre, avec ses pendants d’or.Les murs étaient crépis, deux massives armoires
Étalaient dans les coins leur bois zébré de moires ;
Au fond, un christ en plâtre expirait sous un dais,Le front troué, les yeux ouverts sur les ivresses ;
Et le parfum des lards et la senteur des graisses
Montaient vers son coeur nu, comme un encens mauvais.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
- J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
- Les Meules qui Brûlent
- Les Vêpres
- Les Saints, les Morts, les Arbres et le Vent
- S'il était vrai
- Sois-nous propice et consolante encor...
- Lorsque ta main confie, un soir...
- La glycine est fanée et morte est...
- Si d'autres fleurs décorent la maison
- Que nous sommes encor heureux et fiers de...
poeme qui baigne dans le mysticisme ...encens parfum atmosphre de baudelaire ...les adeptes du symbolisme.
Maison rouge (Pays de Poésie, 8-9-15)
-----------------
La grande maison rouge est bien hospitalière,
Les pèlerins du monde y trouvent réconfort ;
Mais son pauvre jardin n’a que des arbres morts,
Procurant bien peu d’ombre à nos buveurs de bière.
Le prêtre y va disant des phrases coutumières
Qu’il trouve au fond d’un livre à larges tranches d’or ;
Les reflets du soleil font un sobre décor
Au logis dépouillé de sa splendeur première.
D’autres livres, dormant dans une vieille armoire,
N’ont plus tant d’occasions de livrer leur histoire ;
Je les ouvrais, jadis, et voilà, je rêvais.
Que nous ont donc laissé nos anciennes ivresses,
Nos grands éclats de voix, nos brusques allégresses ?
Tout cela s’en alla, dit l’autre, au vent mauvais.
Ancre rouge
-----
L’ancre est, depuis toujours, de la nef l’auxiliaire,
On l’utilise au large ainsi que dans les ports ;
Qu’elle soit à bâbord, qu’elle soit à tribord,
Elle trouve le fond au bout de son aussière.
Son grand corps peint en rouge attrape la lumière
Et brille sur le pont quand le soleil est d’or ;
Mais ce n’est pas un simple élément du décor,
Elle attend d’accomplir ses tâches familières.
Ancrer ce bâtiment n’est pas la mer à boire,
Car, la plupart du temps, les flots sont sans histoires ;
Le fond fut favorable, et la nef le savait.
Même s’il survenait une vague traîtresse,
L’ancre de son destin demeurerait maîtresse ;
Car Neptune est farceur, mais il n’est pas mauvais.