Poème 'Un spectre m’attendait…' de Victor HUGO dans 'Les Contemplations'

Accueil > Les poètes > Poèmes et biographie de Victor HUGO > Un spectre m’attendait…

Un spectre m’attendait…

Victor HUGO
Recueil : "Les Contemplations"

Un spectre m’attendait dans un grand angle d’ombre,
Et m’a dit : — Le muet habite dans le sombre.
L’infini rêve, avec un visage irrité.
L’homme parle et dispute avec l’obscurité,
Et la larme de l’œil rit du bruit de la bouche.
Tout ce qui vous emporte est rapide et farouche.
Sais-tu pourquoi tu vis ? sais-tu pourquoi tu meurs ?
Les vivants orageux passent dans les rumeurs,
Chiffres tumultueux, flot de l’océan Nombre,
Vous n’avez rien à vous qu’un souffle dans de l’ombre ;
L’homme est à peine né, qu’il est déjà passé,
Et c’est avoir fini que d’avoir commencé.
Derrière le mur blanc, parmi les herbes vertes,
La fosse obscure attend l’homme, lèvres ouvertes.
La mort est le baiser de la bouche tombeau.
Tâche de faire un peu de bien, coupe un lambeau
D’une bonne action dans cette nuit qui gronde ;
Ce sera ton linceul dans la terre profonde.
Beaucoup s’en sont allés qui ne reviendront plus
Qu’à l’heure de l’immense et lugubre reflux ;
Alors, on entendra des cris. Tâche de vivre ;
Crois. Tant que l’homme vit, Dieu pensif lit son livre.
L’homme meurt quand Dieu fait au coin du livre un pli.
L’espace sait, regarde, écoute. Il est rempli
D’oreilles sous la tombe, et d’yeux dans les ténèbres.
Les morts ne marchant plus, dressent leurs pieds funèbres ;
Les feuilles sèches vont et roulent sous les cieux.
Ne sens-tu pas souffler le vent mystérieux ?

Au dolmen de Rozel, avril 1853.

Poème préféré des membres

Loic a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

  1. ''Tâche de vivre ''

    Croisement :

    '' Le vent se lève! . . . il faut tenter de vivre! L'air immense ouvre et referme mon livre, La vague en poudre ose jaillir des rocs! Envolez-vous, pages tout éblouies! '' __P. Valery - Le cimetière marin.

  2. Victor Hugo explore un territoire d'ombre,
    Écoutant les propos d'un spectre à l'humeur sombre.
    Aucun des deux n'ayant envie de plaisanter,
    Leur entretien sérieux noircit l'obscurité.

    L'infini dans un coin ouvre sa vaste bouche,
    Impressionné qu'il est par ces penseurs farouches.
    Au fond du souterrain, le son éclate et meurt,
    Puis se trouve noyé dans de grises rumeurs.

    Alors, on voit monter, au firmament funèbre,
    La lune bleue qui semble un oeil dans les ténèbres,
    Observant le débat d'un air mystérieux.

    Le spectre vient de dire « Il faut tâcher de vivre » ;
    Victor a noté ça dans la marge d'un livre.
    Mon rêve se termine, et j'ouvre de grands yeux.

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS