Poème 'Un Toit, Là-bas' de Émile VERHAEREN dans 'Toute la Flandre'

Un Toit, Là-bas

Émile VERHAEREN
Recueil : "Toute la Flandre"

Oh ! la maison perdue, au fond du vieil hiver,
Dans les dunes de Flandre et les vents de la mer.

Une lampe de cuivre éclaire un coin de chambre ;
Et c’est le soir, et c’est la nuit, et c’est novembre.

Dès quatre heures, on a fermé les lourds volets ;
Le mur est quadrillé par l’ombre des filets.

Autour du foyer pauvre et sous le plafond, rôde
L’odeur du goémon, de l’algue et de l’iode.

Le père, après deux jours de lutte avec le flot
Est revenu du large, et repose, là-haut ;

La mère allaite, et la flamme qui diminue
N’éclaire plus la paix de sa poitrine nue.

Et lent, et s’asseyant sur l’escabeau boitant,
Le morne aïeul a pris sa pipe, et l’on n’entend

Dans le logis, où chacun vit à l’étouffée,
Que ce vieillard qui fume à pesantes bouffées.

Mais au-dehors,
La meute innombrable des vents
Aboie, autour des seuils et des auvents ;
Ils viennent, d’au-delà des vagues effarées,
Dieu sait pour quelle atroce et nocturne curée ;
L’horizon est battu par leur course et leur vol,
Ils saccagent la dune, ils dépècent le sol ;
Leurs dents âpres et volontaires
Ragent et s’acharnent si fort
Qu’elles mordraient, jusqu’au fond de la terre,
Les morts.

Hélas, sous les cieux fous, la pauvre vie humaine
Abritant, près des flots, son angoisse et sa peine !

La mère et les enfants, et dans son coin, l’aïeul,
Bloc du passé, debout encor, mais vivant seul,

Et récitant, à bras lassés, chaque antienne,
Cahin-caha, des besognes quotidiennes.

Hélas! la pauvre vie, au fond du vieil hiver,
Lorsque la dune crie, et hurle avec la mer,

Et que la femme écoute, auprès du feu sans flamme,
On ne sait quoi de triste et de pauvre en son âme,

Et que ses bras fiévreux et affolés de peur
Serrent l’enfant pour le blottir jusqu’en son coeur,

Et qu’elle pleure, et qu’elle attend, et que la chambre
Est comme un nid tordu dans le poing de novembre.

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Commentaires

  1. Les grillons noirs
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    Buvons été comme hiver,
    À la montagne, à la mer.

    À l'auberge et dans nos chambres,
    En avril comme en novembre.

    L'esprit, comme s'il volait,
    Échappe à tous les filets.

    Il échappe à tous les codes,
    Il s'amuse aux antipodes.

    Le pinard qui coule à flots
    Nous met le moral bien haut.

    La servante est fort menue,
    Elle a les épaules nues.

    Un client s'en va, boitant,
    Vers les lieux, de temps en temps.

    Il fredonne, par bouffées,
    Une chanson étouffée.

    Or, ici, nul n'est savant,
    Nul ne se met en avant.

    Pas d'étudiante effarée
    Par le respect torturée.

    Tout discours y prend son vol,
    Nul ne touche plus le sol.

    Le délire est volontaire,
    Il transcende Ciel et Terre.

    Qui dit que la vie humaine
    N'est qu'une source de peine ?

    Qui pense donc au linceul
    Dans lequel il sera seul ?

    Que la bonne ivresse vienne,
    Et qu'elle soit quotidienne.

    Buvons été comme hiver,
    À la montagne, à la mer.

    Dans notre corps, une flamme,
    De la braise dans notre âme,

    Car nous ignorons la peur
    Et les scrupules trompeurs,

    À l'auberge et dans nos chambres,
    En avril comme en novembre.

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