Poème 'Les gueux de nuit' de Aloysius BERTRAND dans 'Gaspard de la nuit'

Les gueux de nuit

Aloysius BERTRAND
Recueil : "Gaspard de la nuit"

- Ohé ! rangez-vous qu’on se chauffe ! – Il ne te manque
plus que d’enfourcher le foyer ! Ce drôle a les jambes
comme des pincettes.

- Une heure ! – Il bise dru ! – Savez-vous, mes chats-
huants, ce qui a fait la lune si claire ? – Non ! – Les
cornes de cocu qu’on y brûle.

- La rouge braise à griller de la charbonnée ! – Comme la
flamme danse bleue sur les tisons ! Ohé ! quel est le
ribaud qui a battu sa ribaude ?

- J’ai le nez gelé ! – J’ai les grêves rôties ! – Ne
vois-tu rien dans le feu, Choupille ? – Oui ! une halle-
barde. – Et toi, Jeanpoil ? – Un oeil.

- Place, place à monsieur de La Chousserie ! – Vous êtes
là, monsieur le procureur, chaudement fourré et ganté
pour l’hiver ! – Oui-dà ! les matous n’ont pas d’engelures !

- Ah ! voici messieurs du guet ! – Vos bottes fument.
- Et les tirelaines ? – Nous en avons tué deux d’une arque-
busade, les autres se sont échappés à travers la rivière.

*

Et c’est ainsi que s’acoquinaient à un feu de brandons,
avec des gueux de nuit, un procureur au parlement qui
courait le guilledou et les gascons du guet qui racontaient
sans rire les exploits de leurs arquebuses détraquées.

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Commentaires

  1. Trinité de corpuscules
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    Du triple petit dieu qui rêve dans la nuit,
    Le long discours emprunte un parcours circulaire ;
    Quelques théologiens jadis le calculèrent,
    Le plus sage d’entre eux parfaitement le suit.

    Son collègue pourchasse un démon qui s’enfuit,
    Ayant pris en pitié ce diable solitaire;
    Ce monde transcendant n’est pas égalitaire,
    L’arbitraire l’anime et le sort le conduit :

    La planète sans bruit tourne sur elle-même,
    Ne se posant jamais ce genre de problème ;
    Le vice ou la vertu, ça lui est bien égal.

    Pourtant, c’est différent, le bien n’est pas le mal,
    Un coeur s’en aperçoit, même un coeur d’animal ;
    Et Ronsard nous le dit en ses jolis poèmes.

  2. Promenade Cioranesque

    Interné de force, pour un mortel ennui,
    Il fait dans un parc clos, un parcours circulaire,
    Vingt tours en moyenne, par journée, calculèrent
    Deux autres aspirants au temps à jamais cuit.

    De mes yeux fatigués, moi aussi, je le suis,
    Ce marcheur entêté autant que solitaire,
    Je me sens avec lui un peu égalitaire,
    Cela n’est pas pour rien, qu’ici l’on m’a conduit.

    Mais ne sommes nous pas tous, en cela, les mêmes ?
    Être ou ne pas être, notre commun problème,
    Et parfois nous voyons, en la mort, pas un mal.

    Pour soutenir cela, Cioran n’a pas d’égal,
    La vie est selon lui mère de tous les maux,
    Son œuvre est sur ce thème et vaut bien des poèmes.

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Aloysius BERTRAND

Portait de Aloysius BERTRAND

Louis Jacques Napoléon Bertrand, dit Aloysius Bertrand est un poète, dramaturge et journaliste français, né le 20 avril 1807 à Ceva (Piémont), mort le 29 avril 1841, à dix heures du matin, à l’hôpital Necker de Paris. Considéré comme l’inventeur du poème en prose, il est notamment l’auteur d’une œuvre... [Lire la suite]

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