Poème 'Sonnet' de Anatole FRANCE

Sonnet

Anatole FRANCE

Elle a des yeux d’acier ; ses cheveux noirs et lourds
Ont le lustre azuré des plumes d’hirondelle ;
Blanche à force de nuit amassée autour d’elle,
Elle erre sur les monts et dans les carrefours.

Et nocturne, elle emporte à travers les cieux sourds,
Dans le champ sépulcral où fleurit l’asphodèle,
La pâle jeune fille idéale, et fidèle
À quelque rêve altier d’impossibles amours.

Vierge, elle aime le sang des vierges ; et, farouche,
Elle entr’ouvre la fleur funèbre de sa bouche
Et d’un sourire froid éclaire ses pâleurs,

Lorsque, prête à subir une peine inconnue,
La victime aux cheveux de miel chargés de fleurs,
Mourante et les yeux blancs, offre sa gorge nue.


Anatole France

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Commentaires

  1. Ainsi même en est-il des plus fortes amours.

  2. Ornithogriffe
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    Ses griffes sont d’acier. Il marche d’un pas lourd ;
    Il ne s’envole pas comme les hirondelles,
    Ça ne lui plairait pas, d’ailleurs, il n’a pas d’ailes ;
    Il erre au boulevard et dans les carrefours.

    Il ne voit pas trop mal, il est loin d’être sourd,
    Il reconnaît de loin l’odeur de l’asphodèle ;
    À sa simple routine il se montre fidèle,
    Car il ne rêve plus d’impossibles amours.

    Il se lie volontiers, il n’est pas bien farouche,
    Et presque au grand jamais ne fait la fine bouche ;
    De l’aube printanière il aime la pâleur.

    Il aime découvrir une ville inconnue ;
    Mais bien aussi la friche aux étonnantes fleurs,
    Ou le grand vent d’hiver frôlant la terre nue.

  3. Oiseau sans prétention
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    Sa pitance est légère, il ne pèse pas lourd,
    On ne le voit jamais draguer les hirondelles ;
    Il peut en abriter, cependant, sous son aile,
    Douceur sans lendemains, platoniques amours.

    Il survole une route aux amples carrefours
    Qui longe des jardins aux ombreuses tonnelles,
    Dont certains qu’il fréquente en visiteur fidèle ;
    Des dames, le dimanche, y montrent leurs atours.

    Nul de le rencontrer jamais ne s’effarouche ;
    Volatile banal, et qui n’a rien de louche,
    On ne peut l’appeler un oiseau de malheur.

    Dernier représentant d’une espèce inconnue,
    Il médite souvent parmi de blanches fleurs,
    Son coeur est innocent, son âme est presque nue.

  4. Oiseau prudent
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    Cet oiseau n’aime point voler quand il fait lourd,
    Surtout pas près du sol, comme fait l’hirondelle ;
    Blotti dans le feuillage, il repose ses ailes,
    Près de sa soeur Fourmi qui sur l’écorce court.

    Il craint les jours d’été, cette chaleur de four,
    Même si ces jours-là font la lumière belle ;
    Il devient de l’ombrage un résident fidèle,
    Où le firent trembler ses premières amours.

    Or, tous les autres jours, il devient moins farouche,
    Parlant aux papillons et même à quelques mouches,
    Et faisant admirer ses joueuses couleurs.

    De la fraîcheur d’automne il attend la venue,
    De ce temps de vendange et de tardives fleurs ;
    Jours où jadis l’aimait une belle inconnue.

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