Poème 'Fin du rêve' de Georges RODENBACH dans 'La Jeunesse blanche'

Fin du rêve

Georges RODENBACH
Recueil : "La Jeunesse blanche"

Au beau de notre amour elle s’est en allée
Comme une noce en blanc au lointain d’une allée,

Au beau de notre amour on a fermé le parc
Où nous marchions à deux sous les rameaux en arc.

L’absence tout à coup a desséché la vasque
Où montait notre espoir tel qu’un jet d’eau fantasque.

Elle s’en est allée au plus tendre moment
Comme un cortège part mélancoliquement.

Elle n’a pas marché, chaste et surnaturelle,
Sous les arcs triomphaux que je dressais pour elle,

sous les arcs triomphaux de lierre et de jasmins
que je dressais pour elle avec mes jeunes mains,

Que je dressais pour elle au seuil de ma jeunesse
Pour l’y voir s’avancer ainsi qu’une princesse,

Et pour l’y voir superbe, avec toute sa cour,
Recevoir les clés d’or de mon premier amour,

Et m’évoquer ainsi ces anciennes infantes
Qui venaient, au milieu des plantes triomphantes,

Dans leurs villes de Flandre en agréer les clés
Que des pages rêveurs aux cheveux long-bouclés

Leur présentaient sur des coussins de velours rouge,
Cependant qu’au lointain, sous le soleil qui bouge,

Les chants du carillon, tombant du Beffroi fier,
S’effeuillaient dans le vent comme des fleurs de fer !

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

  1. Qui sait où s’est en allée
    Cette absente ? En quelle allée ?

    Demande aux statues du parc,
    Au bambin avec son arc,

    Aux sirènes de la vasque,
    Au vieux centaure fantasque.

    Ils écoutent un moment,
    Puis, mélancoliquement,

    De leur voix surnaturelle,
    Ils veulent me parler d'elle,

    De son goût pour le jasmin,
    De la douceur de ses mains,

    De sa fragile jeunesse,
    De son regard de princesse,

    De ceux qui lui font la cour
    Par désir ou par amour,

    De son sourire d'infante
    Et de sa joie triomphante.

    Mais nous n'avons pas la clé
    Du parcours qu'elle a bouclé

    Un soir, dans le couchant rouge
    Au moment où rien ne bouge,

    À l'instant où les coeurs fiers
    Se détruisent par le fer.

Rédiger un commentaire

Georges RODENBACH

Portait de Georges RODENBACH

Georges Rodenbach (né le 16 juillet 1855 à Tournai et mort le 25 décembre 1898 à Paris) était un poète symboliste et un romancier belge de la fin du XIXe siècle. Issu d’une famille bourgeoise d’origine allemande – son père, fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, est vérificateur des poids et mesures ;... [Lire la suite]

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS