Poème 'Homme et non clébard' de leutcha

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Homme et non clébard

leutcha

Je ne suis pas un clébard pour manger par terre
la galère n’est pas une matinée en fleurs
je ne veux pas marcher les pieds en l’air
le soleil ne se lève pas à minuit
la lune ne nourrit pas les enfants
dans mes veines ne coule pas un ruisseau de boue
l’oiseau n’a pas pour ailes un nuage
la mer ne grimpe pas les escaliers du ciel
la nuit n’est pas l’armée des pauvres
la terre est notre commun bateau
je suis poète et ma parole est chant de l’homme
- je ne comprends pas
je ne comprends pas
- sors donc ta tête du fond de la nuit
et reçois une douche de rayons solaires

Le monde n’est pas un immense chandelier
la vie n’est pas une vallée baignant dans des roses
la misère n’est pas un matin d’été
j’ai une tête et deux bras
comme toi ma sœur
comme toi mon frère
Noir ou Blanc Rouge ou Jaune
j’ai une bouche et un estomac
comme toi mon frère
comme toi ma sœur
ôtez vos jougs savants du seuil de mon destin
je veux goûter aux beautés de la vie
laissez mes frères savourer les perles de leur terre

Ô sages ô savants de mon temps
repoussez loin de nos côtes
vos armes meurtrières
et vos idéologies mensongères

et vous mes pauvres frères
secouez le joug
de vos longs siècles de galères
- je ne comprends pas
je ne comprends pas
- sors donc ta tête du fond de la nuit
et reçois une douche de rayons solaires

Je décrète que demain mange
mon taro
dans les engins propulsés vers l’espace
et distribue mon matango1
dans les avions et les métros
ô sages
ô savants de mon temps
éloignez de nos côtes ensanglantées
la marée de vos engins meurtriers
et toutes vos philosophies de misères
et vous mes pauvres frères
secouez le joug
de vos longs siècles de galères
la belle vie est une moisson pour tous
Mars les étoiles et les galaxies
ouvrent de nouveaux horizons
aux vainqueurs de l’atome
mais la vie en loques
la vie en larmes sur la terre
peut-elle élever la chair et le sang
jusques aux sommets des étoiles

À moi mes élixirs de beau temps
détournés des rives de ma destinée
je suis une terre assise au trône de l’abondance
mais dans ma demeure
mon estomac est toujours un abîme
aux appétits inassouvis
assez ! assez
je suis poète et ma parole est pain de l’homme
ailleurs ! ailleurs
divinités des azurs mélancoliques
suis-je né pour toujours déguster
l’amer vin du printemps au concert des destins

1. vin de palme

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