Poème 'Insatiablement' de Émile VERHAEREN dans 'Les Soirs'

Insatiablement

Émile VERHAEREN
Recueil : "Les Soirs"

Le soir, plein des dégoûts du journalier mirage,
Avec des dents, brutal, de folie et de feu,
Je mords en moi mon propre coeur et je l’outrage
Et ricane, s’il tord son martyre vers Dieu.

Là-bas, un ciel brûlé d’apothéoses vertes
Domine un coin de mer – et des flammes de flots
Entrent, comme parmi des blessures ouvertes,
En des écueils troués de cris et de sanglots.

Et mon coeur se reflète en ce soir de torture,
Quand la vague se ronge et se déchire aux rocs
Et s’acharne contre elle et que son armature
D’or et d’argent éclate et s’émiette, par chocs.

La joie, enfin, me vient de souffrir par moi-même,
Parce que je le veux, et je m’enivre aux pleurs
Que je répands, et mon orgueil tait son blasphème
Et s’exalte, sous les abois de mes douleurs.

Je harcèle mes maux et mes vices. J’oublie
L’inextinguible ennui de mon détraquement,
Et quand lève le soir son calice de lie,
Je me le verse à boire, insatiablement.

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Commentaires

  1. Saint Godet
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    C’est vraiment bon, c’est du vin vieux,
    C’est un poème pour ton ventre ;
    C’est Bacchus sortant de son antre,
    C’est la rosée venant des cieux.

    Ce vin, c’est ce qu’on fait de mieux,
    L’âme du monde s’y concentre ;
    Dans notre corps il faut qu’il entre
    Car c’est le sang du fils de Dieu.

    Partageons la divine extase
    Avec les nobles hypostases ;
    Surtout, soyons bien adossés.

    Célébrons en vers et en prose
    Ce beau chemin jonché de roses ;
    Ne glissons pas dans le fossé.

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