Poème 'L’autre nuit, je veillais dans mon lit sans lumière…' de Charles-Augustin SAINTE-BEUVE dans 'Les Consolations'

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L’autre nuit, je veillais dans mon lit sans lumière…

Charles-Augustin SAINTE-BEUVE
Recueil : "Les Consolations"

L’autre nuit, je veillais dans mon lit sans lumière,
Et la verve en mon sein à flots silencieux
S’amassait, quand soudain, frappant du pied les cieux,
L’éclair, comme un coursier à la pâle crinière,

Passa ; la foudre en char retentissait derrière,
Et la terre tremblait sous les divins essieux :
Et tous les animaux, d’effroi religieux
Saisis, restaient chacun tapis dans leur tanière.

Mais moi, mon âme en feu s’allumait à l’éclair ;
Tout mon sein bouillonnait, et chaque coup dans l’air
À mon front trop chargé déchirait un nuage.

J’étais dans ce concert un sublime instrument ;
Homme, je me sentais plus grand qu’un élément,
Et Dieu parlait en moi plus haut que dans l’orage.

Août 1829.

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Commentaires

  1. Aigle-lion
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    L'aigle-lion, m'a-t-on dit, se nourrit de lumière ;
    Durant tout son repas, il est silencieux,
    Savourant le délice octroyé par les cieux,
    S'efforçant de ne pas y tremper sa crinière.

    Nous pouvons l'admirer; assis sur son derrière ;
    Ses deux visages sont d'un aspect radieux,
    À les voir, j'en deviens presque religieux,
    Puis, je vois l'aigle-lion rentrer dans sa tanière.

    Mais au goûter, parfois, il dévore un éclair,
    Draguant les pâtissiers, sans trop en avoir l'air,
    Proposant un séjour sur un coin de nuage.

    Si j'étais musicien, j'aurais un instrument
    Pour chanter à loisir ce roi des éléments,
    Ce maître des photons, ce seigneur de l'orage.

  2. Aquila sociabilis
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    Il aime bavarder, ce chercheur de lumière,
    Un peu moins, maintenant qu’il est devenu vieux ;
    Car c’est avec lenteur qu’il traverse les cieux,
    Mais ce n’est pas demain qu’il sera mis en bière.

    Jamais à nul Abel il n’a jeté la pierre,
    Lui qui ne maudira ni les gens ni les lieux ;
    Tous les petits travers trouvent grâce à ses yeux,
    Même ceux des blaireaux dans leurs sombres tanières.

    Son coeur n’est plus brûlant, ni vif comme l’éclair,
    Mais il ne faiblit point quand il va prendre l’air,
    Lui qui ne sera plus amoureux des nuages.

    Cet aigle paresseux n’écrit pas de romans,
    Sa plume préférant rimer brièvement ;
    Il se souvient de tout, même des jours d’orage.

  3. Harpe d’inframonde
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    Les mains du musicien dans la faible lumière
    Manquent de fermeté, car il est vraiment vieux ;
    Mais il joue presque mieux que les anges des cieux,
    Lui qui ne chanta rien quand on le mit en bière.

    Il reçut sans broncher le verdict de Saint Pierre,
    Cet endroit lui convient autant que l’autre lieu ;
    Les démons sont aussi créatures de Dieu,
    Même s’ils ont parfois de mauvaises manières.

    Il chante doucement, la harpe sonne clair,
    C’est un doux refrain dont Satan fredonne l’air ;
    La lente mélodie semble calmer sa rage.

    Ce vieux sonneur n’est pas un héros de roman,
    J’en parle en ce sonnet, mais très brièvement,
    Pour donner sur sa vie un modeste éclairage.

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