Poème 'La Princesse' de Hégésippe MOREAU dans 'Œuvres de Hégésippe Moreau'

La Princesse

Hégésippe MOREAU
Recueil : "Œuvres de Hégésippe Moreau"

Ne parlons plus de liberté :
Je viens de voir une princesse.
Pour mettre aux pieds de Son Altesse
À mon tour, que n’ai-je hérité
D’un peu de légitimité !
Elle serait, pour ma chambrette,
Un meuble fort joli, ma foi ;
Mais puisqu’elle n’est pas grisette,
Ah ! quel bonheur si j’étais roi !

Dès qu’en son char elle a paru,
Blonde et riante à la portière,
À travers des flots de poussière
Avec la foule j’ai couru,
Empressé de voir, et j’ai vu…
J’ai vu son front qui se colore,
Son sein qu’agite un doux émoi :
Mais, pour voir un peu mieux encore.
Ah ! quel bonheur si j’étais roi !

Je veux prendre aussi mon essor :
L’ambition devient vulgaire,
Tel sot, qui végétait naguère,
Se réveille plus sot encor,
Chargé d’honneurs et cousu d’or.
D’un souhait qui semble frivole
Vous riez sans doute, et pourquoi ?
Amis, la Providence est folle ;
Ah ! quel bonheur si j’étais roi !

Sous les palais, comme un volcan,
La Liberté s’allume et gronde ;
Ne puis-je trouver en ce monde,
Où les trônes sont à l’encan,
Quelque petit trône vacant ?
Dussé-je, en prince bon apôtre,
Caresser le peuple et la loi,
Dussé-je régner comme… un autre,
Ah ! quel bonheur si j’étais roi !

Je le sais, l’Hymen et l’Amour
Traitent les rois comme la foule,
Et l’on dit qu’à la sainte ampoule,
D’âge en âge et de cour en cour,
Le diable a joué plus d’un tour ;

Mais si dans les devoirs suprêmes
Mon peuple usurpait mon emploi,
Du moins il paîrait les baptêmes :
Ah ! quel bonheur si j’étais roi !

D’un fol espoir je m’enivrais ;
Mais quel réveil et quel vacarme !
Le galop brutal d’un gendarme
Tout à coup me renverse auprès
De l’idole que j’adorais.
Dans le tourbillon de ses gardes,
Elle fuit vers le Louvre, et moi
Je gagne en boitant les mansardes…
Ah ! quel bonheur si j’étais roi !

1832.

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Commentaires

  1. — 2 commentaires —

    Si la loi des amours saintement nous assemble,
    Avec un seul esprit nous faisant respirer,
    L’outrage du malheur se peut-il endurer,
    Qui si cruellement nous arrache d’ensemble ?

    Je ne vous vois jamais, mon cœur, que je ne tremble,
    Appréhendant l’effort qui nous doit séparer :
    Et n’ose bien souvent vos regards désirer,
    Tant l’éclipse qui suit ténébreuse me semble !

    Toutefois quand les corps n’ont moyen de se voir
    L’âme pourtant n’est serve, et peut à son vouloir
    Voleter invisible où la guident ses flammes.

    Chassons donc notre angoisse, ô seul bien de mes yeux,
    Et vivant désormais comme l’on vit aux Cieux,
    Sans plus penser aux corps, faisons l’amour des âmes.

    Commentaire (s)
    Déposé par Cochonfucius le 25 septembre 2024 à 11h36

    Assemblage
    --------

    Blocs minéraux qu’un homme assemble,
    D’autres en seront inspirés ;
    Ce montage est fait pour durer,
    Un sens s’attache à cet ensemble.

    Jamais, sauf si la terre tremble,
    Ces blocs ne seront séparés ;
    Mais Chronos va s’en emparer
    Pour faire ce que bon lui semble

    Dolmens détenteurs de savoir,
    Mais aussi fort plaisants à voir,
    Surtout dans la lueur des flammes.

    Nous avons consacré ces lieux
    Aux meilleurs humains, sous les cieux
    Aux grands seigneurs, aux nobles dames.

    [Lien vers ce commentaire]
    Déposé par Cochonfucius le 1er septembre 2025 à 18h02

    Texte de l’oie
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    Je prends les mots, je les assemble,
    Selon ce qu’ils m’ont inspiré ;
    Les retouches, ça peut durer
    Afin qu’ils aillent bien ensemble.

    Cette plume jamais ne tremble,
    Dont je ne dois me séparer ;
    Toujours je veux m’en emparer
    Pour dire ce que bon me semble.

    Je me nourris de gai savoir
    Et des potins du grand lavoir ;
    Ça ne fait nul tort à mon âme.

    Cette plume sans feu ni lieu
    Ne connaît ni Maître ni Dieu ;
    Jamais nul lecteur ne l’en blâme.

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