Poème 'La tête' de Cécile SAUVAGE dans 'L'âme en bourgeon'

La tête

Cécile SAUVAGE
Recueil : "L'âme en bourgeon"

Ô mon fils, je tiendrai ta tête dans ma main,
Je dirai : j’ai pétri ce petit monde humain ;
Sous ce front dont la courbe est une aurore étroite
J’ai logé l’univers rajeuni qui miroite
Et qui lave d’azur les chagrins pluvieux.
Je dirai : j’ai donné cette flamme à ces yeux,
J’ai tiré du sourire ambigu de la lune,
Des reflets de la mer, du velours de la prune

Ces deux astres naïfs ouverts sur l’infini.
Je dirai : j’ai formé cette joue et ce nid
De la bouche où l’oiseau de la voix se démène ;
C’est mon oeuvre, ce monde avec sa face humaine.

Ô mon fils, je tiendrai ta tête dans ma main
Et, songeant que le jour monte, brille et s’éteint,
Je verrai sous tes chairs soyeuses et vermeilles
Couverts d’un pétale à tromper les abeilles,
Je verrai s’enfoncer les orbites en creux,
L’ossature du nez offrir ses trous ombreux,
Les dents rire sur la mâchoire dévastée

Et ta tête de mort, c’est moi qui l’ai sculptée.

1908

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Commentaires

  1. Je trouve ce poème absolument magnifique, et sa fin, inattendue, est terriblement significative de la puissance féminine, du côté tragique de la destinée humaine

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