Poème 'La France et l’Industrie' de Amable TASTU dans 'Poésies'

Accueil > Les poètes > Poèmes et biographie de Amable TASTU > La France et l’Industrie

La France et l’Industrie

Amable TASTU
Recueil : "Poésies"

Juillet 1824

À M. Ternaux

… J’aime à vanter la France ;
Qu’elle accepte en tribut de périssables fleurs.
CASIMIR DELAVIGNE.

Qui la méconnaîtrait cette terre sacrée,
Si chère à la valeur, des beaux-arts honorée,
Qu’un rayon du soleil, un seul cri des combats,
Couvre soudain de fleurs, de fruits et de soldats ;
Qui, pareille à l’épi courbé par la tempête,
Au premier vent propice a relevé sa tête,
Riche encore, et portant dans ses vertes prisons
Le grain, fécond espoir de nouvelles moissons !
Oh ! la connaissez vous cette terre sacrée,
Constant amour du ciel, et par ses soins parée,
Où l’air est bienfaisant, le sol prodigue et sûr,
Où dans leurs lits nombreux roulent des flots d’azur,
Dont le fils exilé tressaille au nom de France,
Où jamais ne périt une noble espérance,
Où la perte d’un an se répare en un jour,
Tant la fortune absente y presse son retour ?
Mon pays !… Étrangers qu’il appelle à ses fêtes,
Venez y contempler de paisibles conquêtes,
Venez, et dites-nous quels travaux orgueilleux
Balancent de nos arts les produits merveilleux !
Parlez ; dans vos climats quelle active industrie
Peut surpasser, que dis-je ! égaler ma patrie ?
Qui de vous ne l’admire, et quel cœur si mal fait
Peut l’aborder sans joie ou la fuir sans regret ?
A ses festins souvent les nations rivales,
Buvant le long oubli de leurs terres natales,
S’écriaient : « Doux pays ! et le seul entre nous
« Qui, de tous invoqué, peut se passer de tous ! »

Et toi, fière Albion, sa constante ennemie,
De la France mourante épiant l’agonie,
D’un triomphe assuré l’orgueil enflait ton sein ;
Regarde, elle est debout, et le glaive à la main !

La lutte recommence, et, du Tage au Bosphore,
Nos agiles métiers te vont poursuivre encore ;
De leurs nombreux efforts vois-tu les nobles fruits ?
Par nos arts ranimés ces chefs-d’œuvre produits,
Les vois-tu ? De leurs dons la confuse richesse
Au Louvre enorgueilli se rassemble et se presse.
Là, ton œil étonné se repose à la fois
Sur l’argile du pauvre et la coupe des rois ;
Ici, nos Elzévirs ont fixé la pensée ;
Là, la marche du temps sur l’émail est tracée,
Plus loin l’art embellit de ses coûteux apprêts
Les marbres de nos monts, les bois de nos forêts.
Rival de Birmingham, notre acier étincelle.
Mais des villes voici la cohorte fidèle :
Nîmes l’antique, Amiens, la superbe Lyon,
Rouen et Saint-Quentin, émules d’Albion ,
Valencienne, où le lin se joue en blancs nuages,
De nos prospérités offrent de nobles gages ;
Et leurs nombreuses sœurs , se tenant par la main,
De Bayonne à Calais, de l’Océan au Rhin,
De leurs travaux hardis, suivant la chaîne immense,
Ajoutent des rameaux au laurier de la France.

O royale demeure ! ô Louvre ! vieux palais
Qui de nos ateliers honores les bienfaits ,
Puis-je, comptant leurs dons , sous tes voûtes antiques,
Redire tous les noms inscrits sur tes portiques ?
Honneur de mon pays, la justice entre vous,
Pour choisir à son gré, devrait vous nommer tous ;
Mais ma timide voix, qu’effraie un tel partage,
Offre à tous, dans un seul, un légitime hommage.

Il est un lieu célèbre, où le bronze imposant
Presse, royale image, un coursier bondissant [1],
Souvenir de ce roi qui vit dans sa pairie
A la voix de Colbert accourir l’Industrie.
Là, des fils déliés et ravis aux toisons,
Pour les sexes divers, les diverses saisons,
S’assemblent avec art. Des chèvres voyageuses
Là s’ourdissent encor les dépouilles soyeuses :
Travail heureux, fécond, et qui sait retenir
Nos trésors, vers l’Asie empressés de courir.
Dans les murs élégans où son triomphe étale
Des bazars de Stamboul la pompe orientale,
Venez à votre tour, orgueilleux Musulmans,
Venez de schalls français entourer vos turbans ;
Et craignez que l’éclat de leurs brillantes laines
Ne se teigne de sang sous le fer des Hellènes ;
Laissez les doux objets vendus à vos plaisirs
S’emparer dans l’ennui des éternels loisirs,
Des tapis paresseux si chers à leur mollesse
Des duvets indiens l’ondoyante souplesse
D’un luxe accoutumé va parer leur beauté.
Et vous, filles du Gange et de la volupté,
Essaim aux pieds bruyans, agiles Bayadères,
Ces tissus vaporeux, ces écharpes légères,
Devraient autour de vous, frêle et brillant trésor,
Flotter en plis mouvons d’azur, de pourpre et d’or.
Quoi ! c’est à vous, Français, que ces trames unies,
De nos salons jadis honteusement bannies,
Offrent leurs plis épais et leurs sombres couleurs !
Naguère vos habits semblaient un champ de fleurs ;
Où donc est de vos goûts la frivole inconstance ?
Ne reverrez-vous plus la mobile élégance
Des satins qui long-temps souverains en ce lieu,
Vinrent parer Lauzun en quittant Richelieu ?
Sans doute leur splendeur, à la cour exilée,
De l’oubli plébéien doit s’être consolée,
Loin de ce drap fâcheux qui, fixant tous les choix ,
Éclipse la fortune et le rang à la fois.

Mais je parle, et déjà la voûte industrieuse
Reçoit à flots pressés la foule curieuse.
L’élégance est séduite, et le goût enchanté
Lui montre la couleur propice à la beauté.
La mode et le désir, magiciens habiles,
Ont fait glisser son or entre ses doigts faciles ;
Sa prodigalité n’aigrit point mon esprit,
A ce caprice utile un cœur français sourit ;
Il sait que de cet or, versé par l’opulence,
Une part va du moins consoler l’indigence.
Le malheureux s’avance et demande ; il obtient,
Et bénit en secret la main qui le soutient.
Et toi qui du besoin pressens l’horrible empire,
Pauvre assez pour souffrir, pas assez pour le dire,
Viens sans crainte. Au milieu du luxe industrieux,
Dont l’éclat un instant peut réjouir tes yeux,
Un humble aliment s’offre à ton humble fortune,
Et défend qu’en ces lieux ton aspect importune.
Toi, source de nos biens, peuple laborieux,
Qu’appellent des métiers les fils ingénieux,
Ne crains plus que du pain, à tes jours nécessaire,
Le prix puisse jamais surpasser ton Salaire ;
Par un art prévoyant vois ces blés préservés ;
Le sol qui les produit te les a conservés :
Pour l’année indigente, ô touchante merveille !
Une Cérès plus riche a caché sa corbeille.
Reçois, peuple, à la fois, et de la même main,
Le bonheur qu’il te faut, du travail et du pain.

Et toi, tu peux sourire, ô patrie adorée !
Tu souffris si long-temps ! Mère auguste et sacrée,
A l’aide de tes fils sors du lit douloureux ;
Que ton retour au jour soit le repos pour eux !
Puissent-ils désormais, prix digne de leurs larmes,
Voir tes arts, tes vaisseaux, tes métiers et tes armes,
En tout temps, en tous lieux, dans la guerre ou la paix,
Imposer des tributs, et n’en subir jamais !

Poème préféré des membres

Selenia30 a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

Aucun commentaire

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS