Poème 'La Tortue et les deux Canards' de Jean de LA FONTAINE dans 'Les Fables'

La Tortue et les deux Canards

Jean de LA FONTAINE
Recueil : "Les Fables"

Une Tortue était, à la tête légère,
Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays,
Volontiers on fait cas d’une terre étrangère :
Volontiers gens boiteux haïssent le logis.
Deux Canards à qui la commère
Communiqua ce beau dessein,
Lui dirent qu’ils avaient de quoi la satisfaire :
Voyez-vous ce large chemin ?
Nous vous voiturerons, par l’air, en Amérique,
Vous verrez mainte République,
Maint Royaume, maint peuple, et vous profiterez
Des différentes moeurs que vous remarquerez.
Ulysse en fit autant. On ne s’attendait guère
De voir Ulysse en cette affaire.
La Tortue écouta la proposition.
Marché fait, les oiseaux forgent une machine
Pour transporter la pèlerine.
Dans la gueule en travers on lui passe un bâton.
Serrez bien, dirent-ils ; gardez de lâcher prise.
Puis chaque Canard prend ce bâton par un bout.
La Tortue enlevée on s’étonne partout
De voir aller en cette guise
L’animal lent et sa maison,
Justement au milieu de l’un et l’autre Oison.
Miracle, criait-on. Venez voir dans les nues
Passer la Reine des Tortues.
- La Reine. Vraiment oui. Je la suis en effet ;
Ne vous en moquez point. Elle eût beaucoup mieux fait
De passer son chemin sans dire aucune chose ;
Car lâchant le bâton en desserrant les dents,
Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants.
Son indiscrétion de sa perte fut cause.
Imprudence, babil, et sotte vanité,
Et vaine curiosité,
Ont ensemble étroit parentage.
Ce sont enfants tous d’un lignage.

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Commentaires

  1. Les animaux du monde étant désemparés
    Par un fléau mortel, usèrent d'artifice
    Pour savoir qui d'entre eux mourrait en sacrifice.
    Chacun devrait sur l'heure une blague narrer

    A Madame Tortue, pour la faire marrer.
    Si la tortue riait, on aurait bénéfice
    De la vie ; de périr, sinon, par les offices
    D'un bourreau qui, dans l'ombre, était là, préparé.

    L'éléphant raconta. Point de rire. Il mourut.
    Or, plus d'un animal après lui disparut,
    Car la tortue, toujours, restait imperturbable.

    Quand vint le tour du singe, il tremblait de frayeur.
    L'écoutant, la tortue s'esclaffa de bon coeur :
    « Celle de l'éléphant! Elle était ! Impayable ! »

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