Poème '02 – Chant deuxième' de Jacques DELILLE dans 'L'Homme des champs ou Les Géorgiques françaises'

02 – Chant deuxième

Jacques DELILLE
Recueil : "L'Homme des champs ou Les Géorgiques françaises"

Heureux qui dans le sein de ses dieux domestiques
Se dérobe au fracas des tempêtes publiques,
Et dans un doux abri trompant tous les regards,
Cultive ses jardins, les vertus et les arts !
Tel, quand des triumvirs la main ensanglantée
Disputoit les lambeaux de Rome épouvantée,
Virgile, des partis laissant rouler les flots,
Du nom d’Amaryllis enchantoit les échos.
Nul mortel n’eût osé, troublant de si doux charmes,
Entourer son réduit du tumulte des armes ;
Et lorsque Rome, enfin lasse de tant d’horreurs,
Sous un règne plus doux oublioit ces fureurs,
S’il vint redemander au maître de la terre
Le champ de ses ayeux que lui ravit la guerre,
Bientôt on le revit, loin du bruit des palais,
Favori du dieu Pan, courtisan de Palès,
Fouler, près du beau lac où le cygne se joue,
Les prés alors si beaux de sa chère Mantoue.
Là, tranquille au milieu des vergers, des troupeaux,
Sa bouche harmonieuse erroit sur ses pipeaux,
Et, ranimant le goût des richesses rustiques,
Chantoit aux fiers Romains ses douces géorgiques.

Comme lui je n’eus point un champ de mes ayeux,
Et le peu que j’avois je l’abandonne aux dieux ;
Mais comme lui, fuyant les discordes civiles,
J’échappe dans les bois au tumulte des villes,
Et, content de former quelques rustiques sons,
À nos cultivateurs je dicte des leçons.
Vous donc qui prétendiez, profanant ma retraite,
En intrigant d’état transformer un poète,
Épargnez à ma muse un regard indiscret ;
De son heureux loisir respectez le secret.
Auguste triomphant pour Virgile fut juste ;
J’imitai le poète, imitez donc Auguste,
Et laissez-moi, sans nom, sans fortune et sans fers,
Rêver au bruit des eaux, de la lyre et des vers.
Quand des agriculteurs j’enseigne l’art utile,
Je ne viens plus, marchant sur les pas de Virgile,
Répéter aux Français les leçons des Romains :
Sans guide m’élançant par de nouveaux chemins,
Je vais orner de fleurs le soc de Triptolème,
Et sur mon propre luth chanter un art que j’aime.
Je ne prends pas non plus pour sujet de mes chants
Les vulgaires moyens qui fécondent les champs :
Je ne viens point ici vous dire sous quel signe
Il faut planter le cep et marier la vigne ;
Quel sol veut l’olivier, dans quels heureux terrains
Réussissent les fruits et prospèrent les grains.

La culture offre ici de plus brillans spectacles ;
Au lieu de ses travaux, je chante ses miracles,
Ses plus nobles efforts, ses plus rares bienfaits.
Féconde en grands moyens, fertile en grands effets,
Ce n’est plus cette simple et rustique déesse
Qui suit ses vieilles lois ; c’est une enchanteresse
Qui, la baguette en main, par de hardis travaux,
Fait naître des aspects et des trésors nouveaux,
Compose un sol plus riche et des races plus belles,
Fertilise les monts, dompte les rocs rebelles,
Dirige dans leur cours les flots emprisonnés,
Fait commercer entr’eux les fleuves étonnés,
Triomphe des climats, et sous ses mains fécondes
Confond les lieux, les temps, les saisons et les mondes.
Quand l’homme cultiva pour la première fois,
De ce premier des arts il ignoroit les lois ;
Sans distinguer le sol et les monts et les plaines,
Son imprudente main leur confia ses graines :
Mais bientôt, plus instruit, il connut les terrains ;
Chaque arbre eut sa patrie, et chaque sol ses grains.
Vous, faites plus encore ; osez par la culture
Corriger le terrain et dompter la nature.
Rival de Duhamel, surprenez ses secrets ;
Connoissez, employez l’art fécond des engrais.
Pour fournir à vos champs l’aliment qu’ils demandent,
La castine, la chaux, la marne vous attendent.

Que la cendre tantôt, tantôt les vils débris
Des grains dont sous leurs toits vos pigeons sont nourris,
Tantôt de vos troupeaux la litière féconde,
Changent en sucs heureux un aliment immonde.
Ici, pour réparer la maigreur de vos champs,
Mêlez la grasse argile à leurs sables tranchans :
Ailleurs, pour diviser les terres limoneuses,
Mariez à leur sol les terres sablonneuses.
Vous, dont le fol espoir, couvant un vain trésor,
D’un stérile travail croit voir sortir de l’or,
D’un chimérique bien laissez là l’imposture :
L’or naît dans les sillons qu’enrichit la culture ;
La terre est le creuset qui mûrit vos travaux,
Et le soleil lui-même échauffe vos fourneaux.
Les voilà, les vrais biens, et la vraie alchimie.
Jadis, heureux vainqueur d’une terre ennemie,
Un vieillard avoit su de ses champs plus féconds
Vaincre l’ingratitude et doubler les moissons.
Il avoit, devinant l’art heureux d’Angleterre,
Pétri, décomposé, recomposé la terre,
Créé des prés nouveaux ; et les riches sainfoins,
Et l’herbe à triple feuille, avoient payé ses soins.
Ici des jeunes fleurs il doubloit la couronne,
Là de fruits inconnus enrichissoit l’automne.
Nul repos pour ses champs, et la variété,
Seule, les délassoit de leur fécondité.

Enviant à ses soins un si beau privilège,
Un voisin accusa son art de sortilège.
Cité devant le juge, il étale à ses yeux
Sa herse, ses râteaux, ses bras laborieux ;
Raconte par quels soins son adresse féconde
A su changer la terre, a su diriger l’onde.
Voilà mon sortilège et mes enchantemens,
Leur dit-il. Tout éclate en applaudissemens :
On l’absout ; et son art, doux charme de sa vie,
Comme d’un sol ingrat, triompha de l’envie.
Imitez son secret : que votre art souverain
Corrige la nature et change le terrain.
Augmentez, propagez les richesses rustiques,
Et joignez votre exemple aux usages antiques.
Pourtant des nouveautés amant présomptueux,
N’allez pas vous bercer d’essais infructueux ;
Gardez-vous d’imiter ces docteurs téméraires,
Hardis blasphémateurs des travaux de leurs pères.
Laissez là ces projets recueillis par Rozier,
Beaux dans le cabinet, féconds sur le papier,
Des semeurs citadins l’élégante méthode,
Leurs modernes semoirs, leur charrue à la mode,
Leur ferme en miniature, enfin tous les secrets
Qu’admire le mercure et que maudit Cérès.
Des vieux cultivateurs respectant les pratiques,
Laissez à ces docteurs leurs tréteaux dogmatiques.

Cependant n’allez pas, trop superstitieux,
Suivre servilement les pas de vos ayeux ;
Créant à l’art des champs de nouvelles ressources,
Tentez d’autres chemins, ouvrez-vous d’autres sources.
Eh ! Qui sait quels succès attendent vos travaux ?
Combien l’art parmi nous conquit de fruits nouveaux !
Dans nos champs étonnés que de métamorphoses !
Sur un simple buisson jadis naissoient les roses,
Et le pommier dans l’air déployoit ses rameaux :
Le rosier maintenant, ô prodiges nouveaux !
Elève vers les cieux sa tête enorgueillie,
Et sur des arbres nains la pomme est recueillie.
Que de fleurs parmi nous, fières de leurs rayons,
Ont accru leurs honneurs et doublé leurs festons !
Osez plus : appelez les familles lointaines,
Et mariez leur race aux races indigènes.
Pourtant n’imitez pas cet amateur fougueux
Qui hait tous nos trésors : l’arbre le plus pompeux
Lui déplaît s’il n’est pas nourrisson de l’Afrique,
Ou naturel de l’Inde, ou colon d’Amérique.
Ainsi, quand de Paris les inconstans dégoûts
De Londres, sa rivale, adoptèrent les goûts,
La scène, les salons, et la cour et la ville,
Tout paya son tribut à cette humeur servile.
Devenus, d’inventeurs, copistes mal-adroits,
Nos arts dépaysés méconnurent leurs droits.

Sous de pesans jokeys nos chevaux haletèrent,
Nos clubs de politique et de punch s’enivrèrent,
Versailles s’occupa de popularité ;
Chacun eut ses wiskys, ses vapeurs et son thé.
Moi-même, comparant le parc anglois au nôtre,
J’hésitai, je l’avoue, entre Kent et le Nostre ;
Mais je permis l’usage et proscrivis l’excès.
Sensible à la beauté de nos arbres françois,
Le bon cultivateur, malgré leurs vieilles formes,
N’exclut point nos tilleuls, nos chênes et nos ormes.
Il fuit des nouveautés les goûts extravagans :
Mais si par un beau tronc, des rameaux élégans,
L’arbre d’un sol lointain offre un hôte agréable,
Nos arbres font accueil à l’étranger aimable,
Plutôt pour ses appas que pour sa rareté ;
Ils lui font les honneurs de l’hospitalité,
Et si l’utilité vient se joindre à la grâce,
Aux droits de citoyen ils admettent sa race.
Tel des Alpes nous vint le cytise riant ;
Ainsi pleure incliné le saule d’Orient,
Que consacra l’amour à la mélancolie ;
Le peuplier reçut ses frères d’Italie,
Et pour nous, fatigué d’obéir au turban,
Le cèdre impérial descendit du Liban.
Vous dirai-je, à l’aspect de ces riches peuplades,
Quel charme embellira vos douces promenades ?

Par elles votre esprit parcourt tous les climats :
Ces pins aux verts rameaux, amoureux des frimas,
Nourrissons de l’écosse ou de la Virginie,
Et des deux continens heureuse colonie,
En vous offrant les plants de deux mondes divers,
Vous portent aux deux bouts de l’immense univers.
Le thuya vous ramène aux plaines de la Chine.
L’arbre heureux de Judée, à la fleur purpurine,
Se montre-t-il à vous ? Vous vous peignez soudain
Les bords religieux qu’arrose le Jourdain.
Vous parcourez des bords policés ou sauvages ;
Vos plants sont des pays, vos pensers des voyages,
Et vous changez cent fois de climats et de lieux.
Soit donc que par les soins d’un art industrieux
Il donne à son pays des familles nouvelles,
Soit que par ses secours nos races soient plus belles,
Heureux l’homme entouré de ses nombreux sujets !
Le vulgaire n’y voit que des arbres muets ;
Vous, ce sont vos enfans : vous aidez leur foiblesse,
Vous formez leurs beaux ans, vous soignez leur vieillesse ;
Vous en étudiez les diverses humeurs,
Vous leur donnez des lois, vous leur donnez des mœurs,
Et corrigeant leurs fruits, leurs fleurs et leur feuillage,
De la création vous achevez l’ouvrage.
Donnez les mêmes soins aux divers animaux :
Qu’ils soient par vous plus forts, mieux vêtus et plus beaux !

Soignez bien les enfans, choisissez bien les mères,
Changez ou maintenez les mœurs héréditaires.
À ceux dont nos climats reçoivent les tributs
Ajoutez, s’il se peut, d’étrangères tribus.
Mais toujours sur les lieux réglez votre industrie.
Ne contraignez jamais à quitter leur patrie
Ceux qui, féconds ailleurs, semblent, pour vous punir,
Refuser de s’aimer, refuser de s’unir,
Ou qui, dégénérant de leur antique race,
De leurs traits primitifs perdent bientôt la trace.
À cet oiseau parleur, que sa triste beauté
Ne dédommage pas de sa captivité,
Je préfère celui qui, né dans nos campagnes,
À son nid, ses amours, ses chants et ses compagnes.
Et qui ne connoît point le pouvoir des climats ?
Le tigre parmi nous ne se reproduit pas :
Le lion, dont le sang incessamment bouillonne,
Dédaigne sous nos toits l’amour de la lionne :
Les chiens de nos climats, sujets aux mêmes lois,
Perdent chez l’africain et leur poil et leur voix ;
Et, sans lait pour son fils, la mère européenne
Le remet dans l’Asie à la femme indienne.
Faites donc votre choix : ceux de qui les penchans
Se font à votre ciel, se plaisent à vos champs,
Adoptez-les. Ainsi des rochers de la Suisse
S’unit à nos taureaux la féconde génisse,

Et, pendue aux buissons de ce coteau riant,
La chèvre aventurière a quitté l’Orient.
Là le bélier anglois paît la verte campagne ;
Là la brebis d’Afrique et le mouton d’Espagne
De leur belle toison traînent le riche poids.
Ici le coursier barbe est errant dans vos bois ;
Là bondit d’Albion la cavale superbe,
Tandis que ses enfans qui folâtrent sur l’herbe,
Se cherchant, se fuyant, se défiant entr’eux,
De leur course rivale entrelassent les jeux.
Aspects délicieux ! Perspectives charmantes !
Quelle scène est égale à ces scènes mouvantes,
À ces rians tableaux ? Oh ! De mes derniers jours
Si le ciel à mon choix avoit laissé le cours,
Oui, je l’avoue, après l’aimable poésie
L’utile agriculture eût exercé ma vie.
Est-il un soin plus doux ? Calme, mais occupé,
C’est là qu’en ses désirs le sage est peu trompé.
Autour de ses jardins, de ses flottantes gerbes,
De ses riches vergers, de ses troupeaux superbes,
L’espoir au front riant se promène avec lui.
Il voit ses jeunes ceps embrasser leur appui :
Sur le fruit qui mûrit, sur la fleur près d’éclore,
Il court interroger le lever de l’aurore,
Les vapeurs du midi, les nuages du soir.
L’inquiétude même assaisonne l’espoir,

Et, toujours entouré de dons ou de promesses,
Il sème, attend, recueille ou compte ses richesses.
Hélas ! Pour mes vieux jours j’attendois ces plaisirs,
Et déjà l’espérance, au gré de mes désirs,
De mon domaine heureux m’investissoit d’avance.
Je ne possédois pas un héritage immense ;
Mais j’avois mon verger, mon bosquet, mon berceau.
Dieux ! Dans quels frais sentiers serpentoit mon ruisseau !
Combien je chérissois mes fleurs et mon ombrage !
Quels gras troupeaux erroient dans mon gras pâturage !
Tout rioit à mes yeux ; mon esprit ne rêvoit
Que des meules d’épis et des ruisseaux de lait.
Trop courte illusion ! Délices chimériques !
De mon triste pays les troubles politiques
M’ont laissé pour tout bien mes agrestes pipeaux.
Adieu mes fleurs ! Adieu mes fruits et mes troupeaux !
Eh bien ! Forêts du Pinde, asiles frais et sombres,
Revenez, rendez-moi vos poétiques ombres.
Si le sort m’interdit les doux travaux des champs,
Du moins à leurs bienfaits je consacre mes chants :
Des vergers, des guérets tous les dieux me secondent ;
La colline m’écoute, et les bois me répondent.
Vous donc qui, comme moi, de ce bel art épris,
Voulez à vos rivaux en disputer le prix,
Ne vous contentez pas d’une facile gloire :
Les champs ont leurs combats, les champs ont leur victoire.

Voyez-vous, au midi, de ce sol montueux
Le soleil échauffer les rocs infructueux ?
Venez, que tardez-vous ? Par un triomphe utile
Changez ce sol ingrat en un terrain fertile ;
Et pour planter le cep sur ces coteaux vaincus,
Que Mars prête en riant ses foudres à Bacchus !
De ces apprêts guerriers la montagne s’étonne :
Le feu court dans ses flancs ; ils s’ouvrent ; le ciel tonne,
Et des rocs déchirés avec un long fracas
Les débris dispersés s’envolent en éclats.
Le pampre verdoyant aussitôt les remplace,
Et rit aux mêmes lieux que hérissoit leur masse.
Bientôt un doux nectar, par vos travaux acquis,
Vous semble encor plus doux sur un terrain conquis ;
Vos amis avec vous partagent la conquête,
Et leur brillante orgie en célèbre la fête.
Ailleurs c’est un coteau dont le terrain mouvant,
Entraîné par les eaux, emporté par le vent,
N’offre à l’œil attristé qu’une stérile arène.
Eh bien ! Ces lieux encor vous paîront votre peine,
Si, d’un sol indigent fécond réparateur,
De son terrain nouveau votre art est créateur.
Ainsi, cette île altière, ouvrage d’une autre île ;
Ce rocher héroïque, en hauts faits si fertile,
Qui voit fumer de loin le sommet de l’Etna,
Malte, emprunta son sol aux campagnes d’Enna :

Ainsi loin d’elle encor la Sicile est féconde.
La terre de Cérès, en voyageant sur l’onde,
Vint couvrir ces rochers ; et leur maigre terrain,
Qui suffisoit à peine à l’humble romarin,
Vit naître à force d’art, sur sa côte brûlante,
Le melon savoureux, la figue succulente,
Et ces raisins ambrés qui parfument les airs,
Et l’arbre aux pommes d’or, aux rameaux toujours verts.
Les lauriers seuls sembloient y croître sans culture.
Thétis avec plaisir réfléchit leur verdure,
Et ce roc, par l’été dévoré si long-temps,
Eut enfin son automne et connut le printemps.
Imitez, s’il se peut, cette heureuse industrie.
Le terrain qu’a perdu cette côte appauvrie,
Reprenez-le aux vallons ; que la fécondité
Vienne couvrir des rocs la triste nudité.
Mais quand l’onde et les vents vont lui livrer la guerre,
Que partout d’humbles murs soutiennent cette terre !
Ô riant Gemenos ! ô vallon fortuné !
Tel j’ai vu ton coteau, de pampres couronné,
Que la figue chérit, que l’olive idolâtre,
Etendre en verts gradins son riche amphithéâtre ;
Et la terre, par l’homme apportée à grands frais,
D’un sol enfant de l’art étaler les bienfaits.
Lieu charmant ! Trop heureux qui dans ta belle plaine,
Où l’hiver indulgent attiédit son haleine,

Au sein d’un doux abri peut, sous ton ciel vermeil,
Avec tes orangers partager ton soleil,
Respirer leurs parfums, et, comme leur verdure,
Même au sein des frimas défier la froidure !

Toutefois le bel art que célèbrent mes chants

Ne borne point sa gloire à féconder les champs.
Il sait, pour employer leurs richesses fécondes,
Mettre à profit les vents et les feux et les ondes,
Dompter et façonner et le fer et l’airain,
Transformer en tissus et la laine et le lin.
Loin de ces verts coteaux, de ces humbles campagnes,
Venez donc, suivez-moi vers ces âpres montagnes,
Formidables déserts d’où tombent les torrens,
Où gronde le tonnerre, où mugissent les vents.

Monts où j’ai tant rêvé, pour qui, dans mon ivresse,

Des plus rians vallons j’oubliois la mollesse,
Ne pourrai-je encor voir vos rocs majestueux,
Entendre de vos flots le cours tumultueux ?
Oh ! Qui m’enfoncera sous vos portiques sombres,
Dans vos sentiers noircis d’impénétrables ombres ?

Mais ce n’est plus le temps : autrefois des beaux arts,

Sur ces monts, sur ces rocs, j’appelois les regards ;
C’est au cultivateur qu’aujourd’hui je m’adresse ;
J’invoque le besoin, le travail et l’adresse.
Je leur dis : voyez-vous bondir ces flots errans ?
Courez, emparez-vous de ces fougueux torrens ;

Guidez dans des canaux leur onde apprivoisée.
Que, tantôt réunie et tantôt divisée,
Elle tourne la roue, élève les marteaux,
Et dévide la soie, ou dompte les métaux.
Là, docile ouvrier, le fier torrent façonne
Les toisons de Palès, les sabres de Bellone :
Là, plus prompt que l’éclair, le flot lance les mâts
Destinés à voguer vers de lointains climats :
Là pour l’art des Didot Annonay voit paroître
Les feuilles où ces vers seront tracés peut-être.
Tout vit, j’entends partout retentir les échos
Du bruit des ateliers, des forges et des flots.
Les rocs sont subjugués ; l’homme est grand, l’art sublime :
La montagne s’égaie, et le désert s’anime.

Sachez aussi comment des fleuves, des ruisseaux

On peut mettre à profit les salutaires eaux ;
Et Pomone et Palès, et Flore et les Dryades,
Doivent leurs doux trésors à l’urne des Nayades,
Surtout dans les climats où l’ardente saison
Jusque dans sa racine attaque le gazon,
Et laisse à peine au sein de la terre embrasée
Tomber d’un ciel avare une foible rosée.

Non loin est un ruisseau ; mais de ce mont jaloux

Le rempart ennemi le sépare de vous :
Eh bien ! Osez tenter une grande conquête.
Venez, de vos sapeurs déjà l’armée est prête.

Sous leurs coups redoublés le mont cède en croulant ;
La brouette aux longs bras, qui gémit en roulant,
Qui, partout se frayant un facile passage,
Sur son unique roue agilement voyage,
S’emplissant, se vidant, allant, venant cent fois,
Des débris entassés transporte au loin le poids.
Enfin le mont succombe ; il s’ouvre, et sous sa voute
Ouvre au ruisseau joyeux une facile route.
La Nayade s’étonne, et, dans son lit nouveau,
À ses brillans destins abandonne son eau.
Il vient, il se partage en fertiles rigoles ;
Chacun de ses filets sont autant de Pactoles :
Sur son passage heureux tout renaît, tout verdit.
De ses états nouveaux son onde s’applaudit,
Et, source de fraîcheur, d’abondance et de gloire,
Vous paye en peu de temps les frais de la victoire.
Dans les champs où, plus près de l’astre ardent du jour,
Au sein de ses vallons Lima sent, tour à tour
Par le vent de la mer, par celui des montagnes,
Le soir et le matin rafraîchir ses campagnes,
Avec bien moins de frais et bien moins d’art encor,
L’homme sait des ruisseaux disposer le trésor,
Et, suivant qu’il répand ou suspend leur largesse,
Retarde sa récolte ou hâte sa richesse.
Près du fruit coloré la fleur s’épanouit,
L’arbre donne et promet, l’homme espère et jouit.

Là le cep obéit au fer qui le façonne ;
Ici de grappes d’or la vigne se couronne ;
Et, sans que l’eau du ciel lui dispense ses dons,
L’homme au cours des ruisseaux asservit les saisons.
Lieux charmans, où les cieux sont féconds sans nuage,
Et qui ne doivent point leur richesse à l’orage !
Tant l’art a de pouvoir ! Tant l’homme audacieux
Sait vaincre la nature et corriger les cieux !
Ne pouvez-vous encor de ces terres fangeuses
Guider dans des canaux les eaux marécageuses,
Et, donnant à Cérès des trésors imprévus,
Montrer au ciel des champs qu’il n’avoit jamais vus ?
Tantôt, coulant sans but, des sources vagabondes
À leur libre penchant abandonnent leurs ondes,
Et suivent au hasard leur cours licencieux :
Changez en long canal ces flots capricieux.
Bientôt vous allez voir mille barques agiles
Descendre, remonter sur ses ondes dociles.
Aux cantons étrangers il porte vos trésors ;
Des fruits d’un sol lointain il enrichit vos bords ;
Par lui les intérêts, les besoins se confondent,
Tous les biens sont communs, tous les lieux se répondent,
Et l’air, l’onde et la terre en bénissent l’auteur.
Riquet de ce grand art atteignit la hauteur,
Lorsqu’à ce grand travail du peuple monastique,
Dont long-temps l’ignorance honora Rome antique,

Son art joignit encor des prodiges nouveaux,
Et réunit deux mers par ses hardis travaux.
Non, l’Égypte et son lac, le Nil et ses merveilles
Jamais de tels récits n’ont frappé les oreilles.
Là, par un art magique, à vos yeux sont offerts
Des fleuves sur des ponts, des vaisseaux dans les airs ;
Des chemins sous des monts, des rocs changés en voûte,
Où vingt fleuves, suivant leur ténébreuse route,
Dans de noirs souterrains conduisent les vaisseaux,
Qui du noir Achéron semblent fendre les eaux ;
Puis, gagnant lentement l’ouverture opposée,
Découvrent tout à coup un riant Elysée,
Des vergers pleins de fruits et des prés pleins de fleurs,
Et d’un bel horison les brillantes couleurs.
En contemplant du mont la hauteur menaçante,
Le fleuve quelque temps s’arrête d’épouvante ;
Mais, d’espace en espace en tombant retenus,
Avec art applanis, avec art soutenus,
Du mont, dont la hauteur au vallon doit les rendre,
Les flots, de chute en chute, apprennent à descendre ;
Puis, traversant en paix l’émail fleuri des prés,
Conduisent à la mer les vaisseaux rassurés.
Chef-d’œuvre qui vainquit les monts, les champs, les ondes,
Et joignit les deux mers qui joignent les deux mondes !
Mais ces fleuves féconds sont souvent destructeurs :
Sachez donc réprimer ces flots dévastateurs.

Tout connut ce bel art, et l’antiquité même
En présente à nos yeux l’ingénieux emblème.
Du fabuleux Ovide écoutez le récit.
Achéloüs, dit-il, échappé de son lit,
Entraînoit les troupeaux dans ses eaux orageuses,
Rouloit l’or des moissons dans ses vagues fangeuses,
Emportoit les hameaux, dépeuploit les cités,
Et changeoit en déserts les champs épouvantés.
Soudain Hercule arrive et veut dompter sa rage :
Dans les flots écumans il se jette à la nage,
Les fend d’un bras nerveux, appaise leurs bouillons,
Et ramène en leur lit leurs fougueux tourbillons.
Du fleuve subjugué l’onde en courroux murmure :
Aussitôt d’un serpent il revêt la figure ;
Il siffle, il s’enfle, il roule, il déroule ses nœuds,
Et de ses vastes plis bat ses bords sablonneux.
À peine il l’aperçoit, le vaillant fils d’Alcmène
De ses bras vigoureux le saisit et l’enchaîne ;
Il le presse, il l’étouffe, et de son corps mourant
Laisse le dernier pli sur l’arène expirant,
Se relève en fureur, et lui dit : téméraire,
Osas-tu bien d’Hercule affronter la colère ?
Et ne savois-tu pas, qu’en son berceau fameux
Des serpens étouffés furent ses premiers jeux ?
Etonné, furieux de sa double victoire,
Le fleuve de ses flots prétend venger la gloire,

Il fond sur son vainqueur. Ce n’est plus un serpent,
En replis onduleux sur le sable rampant ;
C’est un taureau superbe, au front large et sauvage :
Ses bonds impétueux déchirent son rivage,
Sa tête bat les vents, le feu sort de ses yeux ;
Il mugit et sa voix a fait trembler les cieux.
Hercule, sans effroi, voit renaître la guerre,
Part, vole, le saisit, le combat et l’atterre,
L’accable de son poids, presse de son genou
Sa gorge haletante et son robuste cou ;
Puis, fier et triomphant de sa rage étouffée,
Arrache un de ses dards et s’en fait un trophée.
Aussitôt les sylvains, les nymphes de ces bords,
Dont il vengea l’empire et sauva les trésors,
Au vainqueur qui repose apportent leurs offrandes,
L’entourent de festons, le parent de guirlandes,
Et, dans la corne heureuse épanchant leurs faveurs,
La remplissent de fruits, la couronnent de fleurs.
Heureuse fiction, aimable allégorie,
Du peintre et du poète également chérie !
Eh ! Qui dans ce serpent, dans ces plis sinueux,
Ne voit des flots errans les détours tortueux,
Soumettant à nos lois leur fureur vagabonde ?
Ce taureau qui mugit, c’est la vague qui gronde :
Ces deux cornes du fleuve expriment les deux bras ;
Celle qu’arrache Alcide en ces fameux combats,

Riche des dons de Flore et des fruits de Pomone,
De l’homme, heureux vainqueur des eaux qu’il emprisonne,
Marque la récompense, et sous ces heureux traits
L’abondance aux mortels verse encor ses bienfaits.
Ce travail vous étonne ? Eh ! Voyez le batave
Donner un frein puissant à l’océan esclave.
Là le chêne, en son sein fixé profondément,
Présente une barrière au fougueux élément.
S’il n’a plus ces rameaux et ces pompeux feuillages
Qui paroient le printemps et bravoient les orages,
Sa tige dans les mers soutient d’autres assauts,
Et brise fièrement la colère des eaux.
Là d’un long mur de joncs l’ondoyante souplesse,
Puissante par leur art, forte par sa foiblesse,
Sur le bord qu’il menace attend le flot grondant,
Trompe sa violence et résiste en cédant.
De là ce sol conquis et ces plaines fécondes,
Que la terre étonnée a vu sortir des ondes ;
Ces champs pleins de troupeaux, ces prés enfans de l’art !
Le long des flots bruyans qui battent ce rempart,
Le voyageur, surpris, au-dessus de sa tête
Entend gronder la vague et mugir la tempête,
Et dans ce sol heureux, à force de tourment,
La nature est tout art, l’art tout enchantement.
Vous ne pouvez sans doute offrir ces grands spectacles ;
Mais votre art plus borné peut avoir ses miracles.

Donnez-lui donc l’essor ; sachez par vos travaux
Vaincre ou mettre à profit le cours puissant des eaux.
Tantôt à votre sol l’onde livrant la guerre
Mord en secret ses bords, et dévore sa terre :
Tantôt par son penchant le courant entraîné
Vous livre, en s’éloignant, son lit abandonné :
Ailleurs, d’un champ qu’il ronge emportant ses ruines,
Ses flots officieux vous cèdent leurs rapines.
Recevez leurs présens, et, protégeant leurs bords,
De l’onde usurpatrice arrêtez les efforts,
Et gouvernant son cours rebelle ou volontaire,
Traitez-le comme esclave ou comme tributaire.
Souvent même, dit-on, tout un frêle terrain
De sa base d’argile est détaché soudain,
Glisse, vogue sur l’onde, et, vers d’autres rivages,
D’un voisin étonné va joindre l’héritage.
Le nouveau possesseur, qu’enrichissent ces eaux,
Contemple à son réveil ses domaines nouveaux,
Tandis qu’à l’autre bord ses déplorables maîtres
Ont vu s’enfuir loin d’eux les champs de leurs ancêtres.
Muse, attendris tes sons, et chante la douleur
De la belle Égérie, heureuse en son malheur.
Sous les monts de l’écosse, en un lac où des îles
Pressent, dit-on, les flots de leurs masses mobiles,
Son père possédoit un modique terrain,
Élevé sur les eaux et flottant sur leur sein :

Telle, comme une fleur jetée au sein de l’onde,
Callimaque nous peint cette île vagabonde,
L’asile de Latone et le berceau des dieux.
Du hasard et des flots travail capricieux,
Celle que je décris, des racines sauvages,
Des mousses, des rameaux enlacés par les âges,
Se forma lentement. Des feuillages flétris
L’enrichissent encor de leurs féconds débris,
Et les caps avancés, à qui l’eau fait la guerre,
De leur lente ruine avoient accru sa terre.
Autour d’elle flottoient des saules, des roseaux.
Là n’étoient point nourris de superbes troupeaux,
La génisse féconde et la brebis bêlante.
Quelques chevreaux épars, famille pétulante,
Sous les lois d’Égérie erroient seuls en ce lieu :
C’étoit peu ; mais le pauvre est riche de si peu !
Souvent en l’embrassant son respectable père
Lui disoit : ô ma fille, image de ta mère !
Mon cœur se l’est promis : cette île que tu vois,
C’est ta dot ; ces chevreaux et ce pré sont à toi.
Maître, au bord opposé, d’un bois, d’une prairie,
Dolon depuis long-temps adoroit Égérie.
Trop heureux si, troublant un bonheur aussi doux,
Son père n’eût déjà fait choix d’un autre époux !
Toutefois de l’amour l’adresse industrieuse
À les dédommager étoit ingénieuse.

Le lac plus d’une fois sur ses flots complaisans
Du rivage opposé leur porta les présens,
Les beaux fruits de Dolon, les fleurs de la bergère.
Souvent l’heureux Dolon sur sa barque légère
Visitoit l’île heureuse. On sait que de l’amour
Les îles en tout temps sont le plus cher séjour.
Celle-ci n’étoit point la magique retraite
Que d’Alcine ou d’Armide enfanta la baguette ;
Un charme encor plus doux y fixoit ces amans :
Se voir, s’aimer, voilà leurs seuls enchantemens.
Falloit-il se quitter ? Condamnés à l’absence,
En perdant le plaisir ils gardoient l’espérance.
Enfin le tendre amour, au gré de leur ardeur,
Voulut unir leur sort, comme il unit leur cœur.
Parmi les déités que révèrent ces ondes,
Doris fut la plus belle : en ses grottes profondes
Le lac n’enferma point un plus rare trésor.
Sous les flots azurés brilloient ses tresses d’or :
L’eau s’enorgueillissoit d’une charge aussi belle,
Les flots plus mollement murmuroient autour d’elle :
Les nymphes l’admiroient. Le jeune Palémon
Pour elle de sa trompe adoucissoit le son,
Et jamais chez Thétis nymphe plus ravissante
Ne reçut les baisers de l’onde caressante.
Éole l’adoroit, et son fougueux amour
Vainement l’appeloit dans sa bruyante cour ;

La nymphe refusoit les farouches hommages
D’un dieu dont les soupirs ressemblent aux orages :
L’amant le plus bruyant n’est pas le plus aimé.
L’amour vole à ce dieu par lui-même enflammé.
Éole ! écoute-moi, lui dit-il. Égérie
Du sensible Dolon dès long-temps est chérie ;
Son père la destine aux vœux d’un autre amant :
Seconde mes désirs pour ce couple charmant.
Que l’île d’Égérie, au gré de la tempête,
Vers les champs de Dolon vogue, aborde, et s’arrête ;
Qu’alors tous deux unis ils se donnent leur foi :
Je le jure, à ce prix Doris vivra pour toi.
Mais ne l’entraîne point dans ta cour turbulente,
Permets-lui d’habiter dans sa grotte charmante ;
Ecarte de ses bords l’aquilon furieux,
Et que les seuls zéphirs soupirent dans ces lieux !
L’amour le veut ainsi ! Le dieu parle et s’envole.
L’espoir d’un prix si doux flatte le cœur d’Éole.
Pour hâter un bonheur de qui dépend le sien,
Il veut de ces amans former l’heureux lien.
Un jour (l’île ce jour ne les vit point ensemble),
Soudain l’air a mugi, l’onde croît, l’île tremble,
Les flots tumultueux rugissent à l’entour :
Rien n’égale un orage excité par l’amour.
L’île cède, Égérie est en pleurs sur la rive.
Elle rappelle en vain son île fugitive,

Hélas ! Et son amour, injuste un seul moment,
Craint, en perdant sa dot, de perdre son amant.
Fille aimable, bannis une crainte importune !
L’aveugle amour est cher à l’aveugle fortune,
Et tous deux de ton île ils dirigent le cours.
Le terrain vagabond, après de longs détours,
Se rapproche des lieux où, seul sur le rivage,
Dolon, triste et pensif, entend gronder l’orage.
Il regarde, il s’étonne, il observe long-temps
Cette île voyageuse et ces arbres flottans,
Quand soudain à ses yeux, quelle surprise extrême !
La terre, en approchant, montre l’île qu’il aime.
Il tremble : il craint pour elle une vague, un écueil ;
Il la suit sur les eaux, il la conduit de l’œil.
L’île long-temps encor flotte au gré de l’orage ;
La vague enfin la pousse et l’applique au rivage.
Dolon court, Dolon vole : il parcourt ces beaux lieux
Si chéris de son cœur, si connus à ses yeux ;
Il cherche le bosquet, il cherche la cabane,
Où leurs discrets amours fuyoient un œil profane.
Les flots impétueux auront-ils respecté
Les fleurs qu’elle arrosoit, l’arbre qu’elle a planté ?
Trouvera-t-il encor sur l’écorce légère
De leurs chiffres unis le tendre caractère ?
Tout l’émeut, tout occupe et son âme et ses yeux :
D’un cœur moins effrayé, d’un œil moins curieux,

Un tendre ami parcourt l’air, les traits, le visage
D’un ami que les flots jetèrent au rivage.
À peine cependant le calme a reparu,
Dolon revole aux lieux d’où l’île a disparu.
Il suit sa course, il vogue ; il arrive à la plage
Où la belle Égérie, en pleurs sur le rivage,
Cherchoit encor de l’œil, plus belle en sa douleur,
L’île qui fut sa dot, et qui fait son malheur.
Il embrasse en pleurant son vénérable père ;
Il tombe en suppliant aux genoux de sa mère :
Le destin, leur dit-il, vous a ravi vos biens,
Mais en vous les ôtant il vous donna les miens ;
Ils sont à vous, venez. Il dit, l’onde les mène
Au rivage où leur île est jointe à son domaine.
Le changement d’abord leur déguise les lieux ;
Mais d’Égérie à peine ils ont frappé les yeux,
Ah ! La voilà, dit-elle. Oui, la voilà, s’écrie
Le sensible Dolon, ton île tant chérie !
Ton malheur fut cruel, mon bonheur est plus grand !
L’orage te l’ôta, mon amour te la rend.
Vers ce rivage ami les dieux l’ont amenée :
Qu’ainsi puisse nous joindre un heureux hyménée !
Il dit ; la mère pleure et le père consent,
Et la belle Égérie accepte en rougissant.
Et cependant il veut que cette île si chère
Reprenne sa parure et sa forme première.

Un pont joint à ses bords ce fortuné séjour,
Sacré par le malheur, plus sacré par l’amour ;
Mais son art l’affermit, et l’onde mugissante
Vient briser sur ses bords sa colère impuissante.
Ainsi cette île errante eut un frein dans les flots,
Le bonheur un asile, et l’amour sa Délos.

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Jacques DELILLE

Portait de Jacques DELILLE

Jacques Delille, souvent appelé l’abbé Delille, né à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) le 22 juin 1738 et mort à Paris dans la nuit du 1er au 2 mai 1813, est un poète français.
Delille porta quelque temps le titre d’abbé parce qu’il possédait l’abbaye de Saint-Séverin ; mais il ne suivit pas la carrière... [Lire la suite]

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