Poème 'A l’Afrique' de Aimé CÉSAIRE

A l’Afrique

Aimé CÉSAIRE

Paysan frappe le sol de ta daba
dans le sol il y a une hâte que la syllabe de l’évènement ne dénoue pas
je me souviens de la fameuse peste
il n’y avait pas eu d’étoile annoncière
mais seulement la terre en un flot sans galet pétrissant d’espace
un pain d’herbe et de réclusion
frappe paysan frappe
le premier jour des oiseaux moururent
le second jour les poissons échouèrent
le troisième jour les animaux sortirent des bois
et faisaient aux villes une grande ceinture chaude très forte
frappe le sol de ta daba
il y a dans le sol la carte des transmutations et des ruses de la mort
le quatrième jour la végétation se fana
et tout tourna à l’aigre de l’agave à l’acacia
en aigrettes en orgues végétales
où le vent épineux jouait des flûtes et des odeurs tranchantes
Frappe paysan frappe
il naît au ciel des fenêtres qui sont me yeux giclés
et dont la herse dans ma poitrine fait le rempart d’une ville qui refuse de donner la passe aux muletiers de la désespérance
Famine et de toi-même houle
ramas où se risque d’un salut la colère du futur
frappe Colère
il y a au pied de nos châteaux-de-fées pour la rencontre du sang et du paysage la salle de bal où des nains braquant leurs miroirs écoutent dans les plis de la pierre ou du sel croître le sexe du regard
Paysan pour que débouche de la tête de la montagne celle que blesse le vent
pour que tiédisse dans sa gorge une gorgée de cloches pour que ma vague se dévore en sa vague et nous ramène sur le sable en noyés en chair de goyaves déchirés en une main d’épure en belles algues en graine volante en bulle en souvenance en arbre précatoire
soit ton geste une vague qui hurle et se reprend vers le creux de rocs aimés comme pour parfaire une île rebelle à naître
il y a dans le sol demain en scrupule et la parole à charger aussi bien que le silence

Paysan le vent où glissent des carènes arrête autour de mon visage la main lointaine d’un songe
ton champ dans son saccage éclate debout de monstres marins
que je n’ai garde d’écarter
et mon geste est pur autant qu’un front d’oubli
frappe paysan je suis ton fils
à l’heure du soleil qui se couche le crépuscule sous ma paupière clapote vers jaune et tiède d’iguanes inassoupis
mais la belle autruche courrière qui subitement naît des formes émues de la femme me fait de l’avenir les signes de l’amitié.

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Commentaires

  1. AU PRIMITIF,MAIS L'ON TEND VERS SA PERTE.L'AFRIQUE PLEURE CAR ELLE SAIGNE

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