Poème 'Au bout du petit matin…' de Aimé CÉSAIRE dans 'Cahier d'un retour au pays natal'

Au bout du petit matin…

Aimé CÉSAIRE
Recueil : "Cahier d'un retour au pays natal"

Va-t’en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, va-t’en je déteste les larbins de l’ordre et les hannetons de l’espérance. Va-t’en mauvais gris-gris, punaise de moinillon. Puis je me tournais vers des paradis pour lui et les siens perdus, plus calme que la face d’une femme qui ment, et là, bercé par les effluves d’une pensée jamais lasse je nourrissais le vent, je délaçais les montres et j’entendais monter de l’autre côté du désastre, un fleuve de tourterelles et de trèfles de la savane que je porte toujours dans mes profondeurs à hauteur inverse du vingtième étage des maisons les plus insolentes et par précaution contre la force putréfiante des ambiances crépusculaires, arpentée nuit et jour d’un sacré soleil vénérien

Au bout du petit matin bourgeonnant d’anses frêles les Antilles qui ont faim, les Antilles grêlées de petite vérole, les Antilles dynamitées d’alcool, échouées dans la boue de cette baie, dans la poussière de cette ville sinistrement échouées.

Au bout du petit matin, l’extrême, trompeuse désolée eschare sur la blessure des eaux ; les martyrs qui ne témoignent pas ; les fleurs de sang qui se fanent et s ‘éparpillent dans le vent inutile comme des cris de perroquets babillards ; une vieille vie menteusement souriante , ses lèvres ouvertes d’angoisses désaffectées ; une vieille misère pourrissant sous le soleil, silencieusement ; un vieux silence crevant de pustules tièdes, l’affreuse inanité de notre raison d’être.

Au bout du petit matin, sur cette plus fragile épaisseur de terre que dépasse de façon humiliante son grandiose avenir – les volcans éclateront, l’eau nue emportera les taches mûres du soleil et il ne restera plus qu’un bouillonnement tiède picoré d’oiseaux marins – la plage des songes et l’insensé réveil.

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Commentaires

  1. Aimé Césaire cahier d'un retour au pays natal présence africaine 1939 sur le texte Au bout du petit matin, une autre petite maison qui sent très mauvais dans une rue très étroite

  2. Au bout du petit matin
    ^ Au bout du petit matin, une autre petite maison qui sent très mauvais dans une rue très étroite, 2 une maison minuscule qui abrite en ses entrailles de bois pourris des dizaines de rats et la
    3 turbulence de mes six frères et sœurs, une petite maison cruelle dont l'intransigeance affole
    4 nos fins de mois et mon père fantastique grignoté d'une seule misère, je n'ai jamais su laquelle, 5 qu'une imprévisible sorcellerie assoupit en mélancolique tendresse ou exalte en hautes
    6 flammes de colère; et ma mère dont les jambes pour notre faim inlassable pédalent, pédalent
    7 de jour, de nuit, je suis même réveillé la nuit par ces jambes inlassables qui pédalent la nuit et
    8 la morsure âpre dans la chair molle de la nuit d'une Singer que ma mère pédale, pédale, pour
    9 notre faim et de jour et nuit.
    10 Au bout du petit matin, au-delà de mon père, de ma mère, la case gerçant d'ampoule
    M d'ampoules, comme un pêcher tourmenté de la cloque, et le toit aminci, rapiécé de morceaux 12 de bidon de pétrole, et ça fait des marais de rouillure dans la pâte grise sordide empuantie de
    1} la paille, et quand le vent siffle, ces disparates font bizarre le bruit, comme un crépitement de
    14 friture d'abord, puis comme un tison que l'on plonge dans l'eau avec la fumée des brindilles qui
    15 s'envole... Et le lit de planches d'où s'est levée ma race, tout entière ma race de ce lit de
    1b planches, avec ses pattes de caisses de kérosène, comme s'il avait l'éléphantiasis le lit, et sa
    17 peau de cabri, et ses feuilles de banane séchées, et ses haillons, une nostalgie de matelas le lit
    18 de ma grand-mère.
    Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, Présence Africaine, 1971.
    Faites un commentaire composé de ce texte. Étudiez, d'une part, la peinture de la maison natale du poète et, d'autre part, la condition sociale de sa famille.

  3. Au bout du petit matin
    Au bout du petit matin, une autre petite maison qui sent très mauvais dans une rue très étroite, 2 une maison minuscule qui abrite en ses entrailles de bois pourris des dizaines de rats et la
    turbulence de mes six frères et sœurs, une petite maison cruelle dont l'intransigeance affole
    nos fins de mois et mon père fantastique grignoté d'une seule misère, je n'ai jamais su laquelle, 5 qu'une imprévisible sorcellerie assoupit en mélancolique tendresse ou exalte en hautes
    flammes de colère; et ma mère dont les jambes pour notre faim inlassable pédalent, pédalent
    de jour, de nuit, je suis même réveillé la nuit par ces jambes inlassables qui pédalent la nuit et
    la morsure âpre dans la chair molle de la nuit d'une Singer que ma mère pédale, pédale, pour
    notre faim et de jour et nuit.
    Au bout du petit matin, au-delà de mon père, de ma mère, la case gerçant d'ampoule d'ampoules, comme un pêcher tourmenté de la cloque, et le toit aminci, rapiécé de morceaux 12 de bidon de pétrole, et ça fait des marais de rouillure dans la pâte grise sordide empuantie de
    la paille, et quand le vent siffle, ces disparates font bizarre le bruit, comme un crépitement de
    friture d'abord, puis comme un tison que l'on plonge dans l'eau avec la fumée des brindilles qui
    s'envole... Et le lit de planches d'où s'est levée ma race, tout entière ma race de ce lit de
    planches, avec ses pattes de caisses de kérosène, comme s'il avait l'éléphantiasis le lit, et sa
    peau de cabri, et ses feuilles de banane séchées, et ses haillons, une nostalgie de matelas le lit
    18 de ma grand-mère.
    Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, Présence Africaine, 1971.
    Faites un commentaire composé de ce texte. Étudiez, d'une part, la peinture de la maison natale du poète et, d'autre part, la condition sociale de sa famille.

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