Caerulei oculi
Une femme mystérieuse,
Dont la beauté trouble mes sens,
Se tient debout, silencieuse,
Au bord des flots retentissants.Ses yeux, où le ciel se reflète,
Mêlent à leur azur amer,
Qu’étoile une humide paillette,
Les teintes glauques de la mer.Dans les langueurs de leurs prunelles,
Une grâce triste sourit ;
Les pleurs mouillent les étincelles
Et la lumière s’attendrit ;Et leurs cils comme des mouettes
Qui rasent le flot aplani,
Palpitent, ailes inquiètes,
Sur leur azur indéfini.Comme dans l’eau bleue et profonde,
Où dort plus d’un trésor coulé,
On y découvre à travers l’onde
La coupe du roi de Thulé.Sous leur transparence verdâtre,
Brille parmi le goémon,
L’autre perle de Cléopâtre
Prés de l’anneau de Salomon.La couronne au gouffre lancée
Dans la ballade de Schiller,
Sans qu’un plongeur l’ait ramassée,
Y jette encor son reflet clair.Un pouvoir magique m’entraîne
Vers l’abîme de ce regard,
Comme au sein des eaux la sirène
Attirait Harald Harfagar.Mon âme, avec la violence
D’un irrésistible désir,
Au milieu du gouffre s’élance
Vers l’ombre impossible à saisir.Montrant son sein, cachant sa queue,
La sirène amoureusement
Fait ondoyer sa blancheur bleue
Sous l’émail vert du flot dormant.L’eau s’enfle comme une poitrine
Aux soupirs de la passion ;
Le vent, dans sa conque marine,
Murmure une incantation.» Oh ! viens dans ma couche de nacre,
Mes bras d’onde t’enlaceront ;
Les flots, perdant leur saveur âcre,
Sur ta bouche, en miel couleront.» Laissant bruire sur nos têtes,
La mer qui ne peut s’apaiser,
Nous boirons l’oubli des tempêtes
Dans la coupe de mon baiser. »Ainsi parle la voix humide
De ce regard céruléen,
Et mon coeur, sous l’onde perfide,
Se noie et consomme l’hymen.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Théophile GAUTIER
Pierre Jules Théophile Gautier est un poète, romancier, peintre et critique d’art français, né à Tarbes le 30 août 1811 et mort à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872 à 61 ans. Né à Tarbes le 30 août 1811, le tout jeune Théophile garde longtemps « le souvenir des montagnes bleues ». Il a trois ans lorsque sa famille... [Lire la suite]
- J'ai laissé de mon sein de neige
- À Claudius Popelin (Sonnet II)
- La Mort dans la vie - Chapitre 5
- Les Deux Âges
- Épigraphes placées en tête de "Daniel...
- Montée sur le Brocken
- Albertus, 13 - CXXI à CXXII
- En allant à la Chartreuse de Miraflorès
- La Mort dans la vie - Chapitre 8
- Oui, Forster, j'admirais ton oreille...
Commentaires
Aucun commentaire
Rédiger un commentaire