Poème 'Fuite d’automne' de Cécile SAUVAGE dans 'Tandis que la terre tourne'

Fuite d’automne

Cécile SAUVAGE
Recueil : "Tandis que la terre tourne"

Sors de ta chrysalide, ô mon âme, voici
L’Automne. Un long baiser du soleil a roussi
Les étangs ; les lointains sont vermeils de feuillage,
Le flexible arc-en-ciel a retenu l’orage
Sur sa voûte où se fond la clarté d’un vitrail ;
La brume des terrains rôde autour du bétail
Et parfois le soleil que le brouillard efface
Est rond comme la lune aux marges de l’espace.
Mon âme, sors de l’ombre épaisse de ta chair
C’est le temps dans les prés où le silence est clair,
Où le vent, suspendant son aile de froidure,
Berce dans les rameaux un rêve d’aventure
Et fait choir en jouant avec ses doigts bourrus
La feuille jaune autour des peupliers pointus.
La libellule vole avec un cri d’automne
Dans ses réseaux cassants ; la brebis monotone
A l’enrouement fêlé des branches dans la voix ;
La lumière en faisceaux bruine sur les bois.
Mon âme en robe d’or faite de feuilles mortes
Se donne au tourbillon que la rafale apporte
Et chavire au soleil sur la pointe du pied
Plus vive qu’en avril le sauvage églantier ;
Cependant que de loin elle voit sur la porte,
Écoutant jusqu’au seuil rouler des feuilles mortes,
Mon pauvre corps courbé dans son châle d’hiver.
Et mon âme se sent étrangère à ma chair.
Pourtant, docilement, lorsque les vitres closes
Refléteront au soir la fleur des lampes roses,
Elle regagnera le masque familier,
Et, servante modeste avec un tablier,
Elle trottinera dans les chambres amères
En retenant des mains le sanglot des chimères.

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Commentaires

  1. Le bel automne que voici
    Est encore à peine roussi ;
    Les chants résonnent aux feuillages
    Et l'on n'entend nul bruit d'orage.

    Le fond des bois forme un vitrail,
    L'herbage nourrit le bétail,
    Toute la tristesse s'efface
    Dans l'immense bleu de l'espace.

    Toute joie envahit la chair
    Et nos esprits, par ce temps clair
    Où l'on ne sent nulle froidure ;

    Allons, parmi les églantiers,
    Où voudront se porter nos pieds,
    En promenade, à l'aventure !

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