Poème 'La genèse polynésienne' de Charles-Marie LECONTE DE LISLE dans 'Poèmes barbares'

La genèse polynésienne

Charles-Marie LECONTE DE LISLE
Recueil : "Poèmes barbares"

Dans le Vide éternel interrompant son rêve,
L’Être unique, le grand Taaroa se lève.
Il se lève, et regarde : il est seul, rien ne luit.
Il pousse un cri sauvage au milieu de la nuit :
Rien ne répond. Le temps, à peine né, s’écoule ;
Il n’entend que sa voix. Elle va, monte, roule,
Plonge dans l’ombre noire et s’enfonce au travers.
Alors, Taaroa se change en univers :
Car il est la clarté, la chaleur et le germe ;
Il est le haut sommet, il est la base ferme,
L’oeuf primitif que Pô, la grande Nuit, couva ;
Le monde est la coquille où vit Taaroa.
Il dit : – Pôles, rochers, sables, mers pleines d’îles,
Soyez ! Échappez-vous des ombres immobiles ! -
Il les saisit, les presse et les pousse à s’unir ;
Mais la matière est froide et n’y peut parvenir :
Tout gît muet encore au fond du gouffre énorme ;
Tout reste sourd, aveugle, immuable et sans forme.
L’Être unique, aussitôt, cette source des Dieux,
Roule dans sa main droite et lance les sept cieux.
L’étincelle première a jailli dans la brume,
Et l’étendue immense au même instant s’allume ;
Tout se meut, le ciel tourne, et, dans son large lit,
L’inépuisable mer s’épanche et le remplit :
L’univers est parfait du sommet à la base,
Et devant son travail le Dieu reste en extase.

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Commentaires

  1. Insomnie
    ——–

    L’urgence d’un besoin interrompant son rêve,
    Longtemps avant le jour le poète se lève.
    L’image d’une muse apparaît devant lui
    Pour lui dicter ces vers au milieu de la nuit.
    Il se rendort. Ce chant dans son songe s’écoule.
    Son esprit assoupi roule comme une boule
    Qui va dans l’ombre noire et s’enfonce au travers.

    Le fond de son esprit se change en univers.
    D’une encyclopédie ce poème est le germe,
    Il est le haut sommet, la base presque ferme
    Que nous promettaient les écrits de Spinoza.
    Mais l’esprit, en chemin, soudain se reposa.

    Il devint un enfant qui draguait sur une île.
    Puis il fut un silence et une ombre immobile.
    Le songe à l’insomnie ne cessait de s’unir,
    Et l’esprit vit, pensif, cette chose advenir.
    Puis il fut englouti dans l’estomac énorme
    D’une baleine aveugle, immuable et sans forme.

    Dans ce nouveau dortoir, il devint sentencieux.
    Il dit : S’il nous tombait un orage des cieux,
    Ou si le monde était envahi par la brume,
    J’en serais à l’abri. Soudain, le jour s’allume.

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Charles-Marie LECONTE DE LISLE

Portait de Charles-Marie LECONTE DE LISLE

Charles Marie René Leconte de Lisle, né le 22 octobre 1818 à Saint-Paul dans l’Île Bourbon et mort le 17 juillet 1894 à Voisins, était un poète français. Leconte de Lisle passa son enfance à l’île Bourbon et en Bretagne. En 1845, il se fixa à Paris. Après quelques velléités lors des événements de 1848, il renonça... [Lire la suite]

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