Poème 'Paysage polaire' de Charles-Marie LECONTE DE LISLE dans 'Poèmes barbares'

Paysage polaire

Charles-Marie LECONTE DE LISLE
Recueil : "Poèmes barbares"

Un monde mort, immense écume de la mer,
Gouffre d’ombre stérile et de lueurs spectrales,
Jets de pics convulsifs étirés en spirales
Qui vont éperdument dans le brouillard amer.

Un ciel rugueux roulant par blocs, un âpre enfer
Où passent à plein vol les clameurs sépulcrales,
Les rires, les sanglots, les cris aigus, les râles
Qu’un vent sinistre arrache à son clairon de fer.

Sur les hauts caps branlants, rongés des flots voraces,
Se roidissent les Dieux brumeux des vieilles races,
Congelés dans leur rêve et leur lividité ;

Et les grands ours, blanchis par les neiges antiques,
Çà et là, balançant leurs cous épileptiques,
Ivres et monstrueux, bavent de volupté.

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Commentaires

  1. Naufrage du roi
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    Le roi d’or a tenté de traverser la mer,
    Il voulut affronter la tempête spectrale,
    Un courant malfaisant le prit dans sa spirale,
    Son esprit s’épouvante et son coeur est amer.

    Il ne craint point la mort, mais redoute l’enfer ;
    Son âme est envahie d’images sépulcrales,
    Son esprit tourmenté par le corbeau qui râle,
    Et de rien ne lui sert son grand sabre de fer.

    Sera-t-il dévoré des cormorans voraces,
    Restera-t-il de lui la plus infime trace ?
    Son visage est gagné par la lividité.

    L’emplit le souvenir de son palais antique,
    De son village où sont de charmantes boutiques,
    De sa chambre où régnait la chaste volupté.

  2. Armure de gueules
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    De rouge s’est vêtu le Maître des Sept Mers,
    Ça lui va beaucoup mieux qu’une blancheur spectrale ;
    Son esprit vagabonde et parcourt des spirales,
    Il se sait condamné, mais il n’est pas amer.

    Cet endroit, c’est la mort, mais ce n’est l’enfer ;
    Ce poème n’est pas une oeuvre sépulcrale,
    Car le Seigneur Homard n’est pas de ceux qui râlent,
    Jamais il ne brandit un grand sabre de fer.

    Il sera dévoré par un dîneur vorace,
    À peine de son corps resteront quelques traces,
    Mais ce sort malheureux, pouvait-il l’éviter ?

    Car manger du homard, c’est un usage antique,
    Mon poissonnier toujours en a dans sa boutique,
    Et nous en préparons quand vient un invité.

  3. Armure de gueules
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    retouche (deuxième quatrain) :

    Cet endroit, c’est la mort, mais ce n’est pas l’enfer

  4. Forgeron boiteux
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    J’ai forgé le trident du Seigneur des Sept Mers,
    Hadès me doit aussi son armure spectrale ;
    Je rêve d’assembler des nefs interastrales
    Pour explorer les bords de ce vaste Univers..

    Je suis Héphaïstos, un armurier d’enfer,
    Je chante en travaillant des chansons sépulcrales ;
    Cela m’importe peu que quelques voisins râlent,
    À Pégase c’est moi qui donnai quatre fers.

    Je m’alimente bien, mais sans être vorace,
    D’excédent pondéral je n’ai pas une trace ;
    Les liens sentimentaux, je les veux éviter.

    Mes talents sont connus dans tout le monde antique,
    Des clients distingués fréquentent ma boutique ;
    Mais je n’accepte plus Arès comme invité.

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Charles-Marie LECONTE DE LISLE

Portait de Charles-Marie LECONTE DE LISLE

Charles Marie René Leconte de Lisle, né le 22 octobre 1818 à Saint-Paul dans l’Île Bourbon et mort le 17 juillet 1894 à Voisins, était un poète français. Leconte de Lisle passa son enfance à l’île Bourbon et en Bretagne. En 1845, il se fixa à Paris. Après quelques velléités lors des événements de 1848, il renonça... [Lire la suite]

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