Poème 'Le vent froid de la nuit' de Charles-Marie LECONTE DE LISLE dans 'Poèmes barbares'

Le vent froid de la nuit

Charles-Marie LECONTE DE LISLE
Recueil : "Poèmes barbares"

Le vent froid de la nuit souffle à travers les branches
Et casse par moments les rameaux desséchés ;
La neige, sur la plaine où les morts sont couchés,
Comme un suaire étend au loin ses nappes blanches.

En ligne noire, au bord de l’étroit horizon,
Un long vol de corbeaux passe en rasant la terre,
Et quelques chiens, creusant un tertre solitaire,
Entre-choquent les os dans le rude gazon.

J’entends gémir les morts sous les herbes froissées.
Ô pâles habitants de la nuit sans réveil,
Quel amer souvenir, troublant votre sommeil,
S’échappe en lourds sanglots de vos lèvres glacées ?

Oubliez, oubliez ! Vos coeurs sont consumés ;
De sang et de chaleur vos artères sont vides.
Ô morts, morts bienheureux, en proie aux vers avides,
Souvenez-vous plutôt de la vie, et dormez !

Ah ! dans vos lits profonds quand je pourrai descendre,
Comme un forçat vieilli qui voit tomber ses fers,
Que j’aimerai sentir, libre des maux soufferts,
Ce qui fut moi rentrer dans la commune cendre !

Mais, ô songe ! Les morts se taisent dans leur nuit.
C’est le vent, c’est l’effort des chiens à leur pâture,
C’est ton morne soupir, implacable nature !
C’est mon coeur ulcéré qui pleure et qui gémit.

Tais-toi. Le ciel est sourd, la terre te dédaigne.
À quoi bon tant de pleurs si tu ne peux guérir ?
Sois comme un loup blessé qui se tait pour mourir,
Et qui mord le couteau, de sa gueule qui saigne.

Encore une torture, encore un battement.
Puis, rien. La terre s’ouvre, un peu de chair y tombe ;
Et l’herbe de l’oubli, cachant bientôt la tombe,
Sur tant de vanité croît éternellement.

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Commentaires

  1. Le vin qu'on boit la nuit
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    Picoler à Cluny, c'est cela seul qui branche
    Dix-sept vaillants cochons au gosier desséché.
    Quand reviendra le jour, tu les verras couchés
    Sous les tables dont fut la nappe jadis blanche.

    Car Cluny, c'est leur monde, et c'est leur horizon,
    Et c'est leur forteresse, et c'est leur coin de terre.
    Ils ont Cochonfucius pour mentor solitaire,
    Dont ils aiment l'esprit bien au ras du gazon.

    Si tu entends le bruit d'une page froissée,
    C'est Leconte de Lisle, un auteur sans pareil,
    Qui, écrivant ce chant, se prive de sommeil.
    Chaque quart d'heure, il boit une bière glacée.

    Picolez, picolez ! Car il faut consommer
    Et frapper sur le bar quand vos verres sont vides.
    Ô buveurs bienheureux par votre soif avide !
    Quand on est à ce poste, il ne faut pas chômer.

    Avec tout le pinard que vous pourrez descendre,
    Votre imagination verra tomber ses fers,
    Alors, chacun de vous, libre des maux soufferts,
    Prendra pour du bon miel sa vie au goût de cendre.

    Tous les soirs, les cochons picolent à Cluny.
    Et Leconte de Lisle, à force de ratures,
    Raconte leur humeur et décrit leur nature.
    Or, pas un seul d'entre eux ne pleure ou ne gémit.

    Au malheur, ils sont sourds, les pleurs, ils les dédaignent.
    À quoi bon s'affliger, pourquoi vouloir guérir ?
    Comme il est doux, pour eux, de toujours se nourrir
    De ce que le pinard illustre leur enseigne !

    Encore une tournée, encore un coup, vraiment !
    Puis, rien. La pièce tourne, et les buveurs y tombent.
    Alors survient l'oubli, leur provisoire tombe,
    Sur leur sommeil ronfleur il veille tendrement.

  2. Trolls de Châteaurenard
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    Habiter un renard, c’est cela seul qui branche
    Les invisibles trolls du verger desséché ;
    Ils l’ont chargé de murs, de chambres à coucher
    Et d’un grand réfectoire, où sont des nappes blanches.

    Portés par l’animal vers d’autres horizons,
    Ils découvrent toujours de nouveaux coins de terre ;
    Ils tiennent compagnie au renard solitaire
    Qui va, sans se presser, traversant le gazon.

    Il avance, et les trolls se taisent dans la nuit,
    Heureux de leur château d’excellente facture ;
    Ils n’entendent aucun des bruits de la nature,
    Ni l’insecte chantant, ni le vent qui gémit.

    Vous êtes bien logés, trolls de Châteaurenard !
    Ayant tout ce qu’il faut dans votre domicile,
    Votre vie, désormais, vous paraîtra facile,
    On vous surnommera « les petits trolls peinards ».

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Charles-Marie LECONTE DE LISLE

Portait de Charles-Marie LECONTE DE LISLE

Charles Marie René Leconte de Lisle, né le 22 octobre 1818 à Saint-Paul dans l’Île Bourbon et mort le 17 juillet 1894 à Voisins, était un poète français. Leconte de Lisle passa son enfance à l’île Bourbon et en Bretagne. En 1845, il se fixa à Paris. Après quelques velléités lors des événements de 1848, il renonça... [Lire la suite]

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