Poème 'Phrases' de Arthur RIMBAUD dans 'Illuminations'

Phrases

Arthur RIMBAUD
Recueil : "Illuminations"

Quand le monde sera réduit en un seul bois noir pour nos quatre yeux étonnés, — en une plage pour deux enfants fidèles, — en une maison musicale pour notre claire sympathie, — je vous trouverai.

Qu’il n’y ait ici-bas qu’un vieillard seul, calme et beau, entouré d’un « luxe inouï », — et je suis à vos genoux.

Que j’aie réalisé tous vos souvenirs, — que je sois celle qui sait vous garrotter, — je vous étoufferai.

Quand nous sommes très forts, — qui recule ? très gais, qui tombe de ridicule ? Quand nous sommes très méchants, que ferait-on de nous.

Parez-vous, dansez, riez, — je ne pourrai jamais envoyer l’Amour par la fenêtre.

— Ma camarade, mendiante, enfant monstre ! comme ça t’est égal, ces malheureuses et ces manœuvres, et mes embarras. Attache-toi à nous avec ta voix impossible, ta voix ! unique flatteur de ce vil désespoir.

(Fragments du feuillet 12)

Une matinée couverte, en Juillet. Un goût de cendres vole dans l’air ; — une odeur de bois suant dans l’âtre, — les fleurs rouies, — le saccage des promenades, — la bruine des canaux par les champs — pourquoi pas déjà les joujoux et l’encens ?

J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse.

Le haut étang fume continuellement. Quelle sorcière va se dresser sur le couchant blanc ? Quelles violettes frondaisons vont descendre ?

Pendant que les fonds publics s’écoulent en fêtes de fraternité, il sonne une cloche de feu rose dans les nuages.

Avivant un agréable goût d’encre de Chine, une poudre noire pleut doucement sur ma veillée. — Je baisse les feux du lustre, je me jette sur le lit, et, tourné du côté de l’ombre, je vous vois, mes filles ! mes reines !

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Commentaires

  1. Vole dans l'air un goût de cendre
    Et dans l'âtre un bois qui sent fort,
    Pendant que le village dort.
    J'ai des chaînes que je veux tendre

    D'étoile en étoile, et m'y rendre
    Pour danser sur ces chaînes d'or,
    Par-dessus l'étang dont le bord
    Verra les frondaisons descendre.

    C'est une cloche de feu rose
    Qui sonne au ciel. Je me repose
    Après avoir goûté l'air pur.

    Il pleuvra de l'encre de Chine
    Et ce seront des gouttes fines
    Traçant des lignes sur les murs.

  2. Un ambiboeuf songeur
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    L’ambiboeuf sur la plaine a vu la nuit s’étendre,
    Les chemins sont déserts et le vent souffle fort ;
    Une étoile scintille et le village dort,
    Au loin sonne une cloche, à peine on peut l’entendre.

    Aux yeux de ce penseur tout cela n’est que cendre,
    Ce qui maintenant vit dès demain sera mort ;
    Il nous est demandé d’accepter un tel sort,
    Quant à notre ambiboeuf, il daigne y condescendre.

    Même si son parcours n’est pas jonché de roses,
    Son âme n’est pas triste, elle est fraîche et dispose,
    Son esprit est paisible et son coeur reste pur.

  3. (la suite)
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    Il consulta jadis les sages de la Chine
    Et retint leur leçon, qui est subtile et fine,
    Et que dans son manoir il grava sur un mur.

  4. Alpha Sciuri
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    C’est un astre lointain, ce n’est pas un flambeau,
    C’est une étoile avec son troupeau de planètes ;
    Le maître Galilée la vit dans sa lunette,
    Notant sur son carnet qu’il trouvait cela beau.

    D’un modeste astronome inspirant les travaux,
    Ton bel éclat le fit persister dans sa quête ;
    Sans vouloir du Cosmos préparer la conquête,
    Son coeur le parcourut par des chemins nouveaux.

    Un article savant fut par lui composé,
    Qu’il nous a présenté dans un clair exposé ;
    Il recruta plusieurs doctorants, ce me semble.

    Tous ces jeunes regards se tournant vers les cieux
    Reprendront son labeur quand il sera bien vieux ;
    Ensuite on les verra boire une bière ensemble.

  5. Epsilon Camelopardalis
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    La sixième planète abrite un très vieux mage,
    Lequel, sur ses vieux jours, devient un plaisantin ;
    Il fut moine, pourtant, dans un passé lointain,
    Mais il s'est défroqué, ce qui n'est pas dommage.

    Il aime déchiffrer de multiples langages,
    Mais les plus amusants sont bien ceux des humains ;
    La plupart ont perdu leur sagesse en chemin,
    Un délire étonnant désormais s'en dégage.

    Sa planète est jolie, mais c'est un astre mort,
    Ce savant reste seul avec son athanor ;
    Il tâche de gérer des ressources restreintes.

    Son étoile toujours lui donne sa clarté,
    Donc, il se dit qu'il n'est pas temps de déserter ;
    Il voit venir sa fin, sans éprouver de crainte.

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  1. Samedi matin | Pays de poésie

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Arthur RIMBAUD

Portait de Arthur RIMBAUD

Arthur Rimbaud (Jean Nicolas Arthur Rimbaud) est un poète français, né le 20 octobre 1854 à Charleville, dans les Ardennes, et mort le 10 novembre 1891 à l’hôpital de la Conception à Marseille. Lycéen brillant et poète précoce, Arthur Rimbaud excelle dans les compositions latines, parmi lesquelles on trouve ses plus... [Lire la suite]

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