Poème 'Les morts de Mbanga Mpongo' de leutcha

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Les morts de Mbanga Mpongo

leutcha

Un oiseau d’airain vole entre ciel et terre
soudain une tempête d’éclairs et de foudres
met à ses ailes du feu
affolé il tourbillonne et pique du nez
les arbres tremblent les oiseaux se réveillent
la forêt s’écarte et la terre ouvre sa gueule
pour le recevoir dans un énorme puits
il est minuit
le temps a montré ses dents
et ses dents ont broyé la vie au jardin de la nuit
au fond du puits des têtes sans cou
des oreilles et des yeux sans tête
des pieds sans jambes des jambes sans chair
des soutien-gorge sans seins
des poitrines sans soutien-gorge
des ventres sans intestins des cœurs sans poitrine
des bras sans épaules des épaules sans bras
des souliers sans pieds des pieds sans souliers
le tout noyé dans une sauce de boue et de sang

Les radars étaient dans un long coma
l’oiseau est découvert deux jours après
on le croyait caché dans la forêt de Kribi
les arbres payent aux morts un lourd tribut
on décapite leur cime
on saccage leurs branches
on déracine les arbres à chair d’élytres
les plus faibles sont fauchés par des machettes
les plus robustes sont coupés et leur souche brûlée
tous sont sciés mis en pièces
et offerts à l’autel du progrès et du profit
les perroquets les hiboux et les calaos
payent aussi le prix fort
ils sont exilés loin de leur terre natale
là où passe la route les arbres trépassent
les camions des militaires de la Croix Rouge
des Reporters de secours et des familles
roulent sur une natte en terre battue
et s’alignent en croissant de lune
en face de la vallée du drame
cent quatorze mecs – commerçants touristes
enfants directeurs – blancs ou noirs
dorment en miettes de vie dans l’énorme puits
les lèvres chantent une mélopée funèbre
des visages tombent un torrent de larmes

Les morts n’ont pas le corps des morts
les morts n’auront point leur deuil
les morts n’auront point leur levée de corps
les morts n’auront point leur mausolée
les morts n’auront point leurs funérailles
ils n’auront pas leur monument aux morts
les pauvres morts de Mbanga Mpongo
et les vivants n’auront point leur collation
depuis un an ils ne sont plus dans les mémoires
les morts de Mbanga Mpongo
leurs femmes sont oubliées oubliés leurs enfants
un an après… réveil de zombies en colère
le chemin menant à leur cité est verdoyant
les arbres coupés fauchés ou sciés
portent de petits foulards verts ou fleuris
leurs os ricanent aux pieds des baobabs
et ils marchent les zombies furieux
sur Mbanga Mpongo
hommes femmes enfants et vieillards sont pris
les uns quémandent un sursis
pour leurs fils et pour leurs filles
les autres plaident pour une vie
sur terre
même au tréfonds de la galère
- que les morts soient à l’honneur
et leurs mânes saluées
par des sacrifices de coqs et de chèvres
- Anubis ô héraut des esprits séducteurs
les morts n’ont ni bouche ni oreille ni pupille
et ils n’ont plus part
à tout ce qui se fait sous le soleil
les morts sont vraiment morts
et leur corps pourrit pour renouveler la vie

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