Consolation à M. D. L. Stances
Donne un peu de relâche au deuil qui t’a surpris,
Ne t’oppose jamais aux droits de la nature,
Et pour l’amour d’un corps ne mets point tes esprits
Dedans la sépulture.La mort dans tes regrets à toi se présentant,
Te fait voir qu’elle n’est qu’horreur et que misère;
Pourquoi donc tâches-tu qu’elle t’en fasse autant
Qu’elle a fait à ton père?Quoi que l’affection te fasse discourir,
Tes beaux jours ne sont point en état de le suivre;
Comme c’était à lui la saison de mourir,
C’est la tienne de vivre.Il était las d’honneur, de fortune, de jours;
Tes jeunes ans ne font que commencer la vie,
Et si tu vas si tôt en achever le cours
Que deviendra Livie?Remets pour l’amour d’elle encore ces appas
Qui s’en vont effacer dans ton visage sombre;
Et qu’un si long chagrin ne te maltraite pas
Pour contenter une ombre.Il est vrai qu’un tel mal est fâcheux à guérir,
Et de quelque vigueur que ton esprit puisse être,
Il te faut soupirer lorsque tu vois périr
Celui qui t’a fait naître.Encore ses vertus touchaient ton amitié
Au delà du devoir où la nature oblige,
Si bien que la raison approuve la pitié
Pour l’ennui qui t’afflige.Ses conseils savaient rendre un Roi victorieux;
Son renom honorait et la paix et la guerre;
Et je crois que l’envie est cause que les cieux
L’ont ôté de la terre.Mais aussi quel climat n’en a du déplaisir?
L’Europe à son sujet se plaint contre les Parques,
Autant que si leurs lacs étaient venus saisir
Quelqu’un de ses monarques.Je vois comme le Ciel pour soulager ton deuil,
Veut que tout l’univers à tes soupirs réponde;
Et pour t’en exempter ordonne à son cercueil
Les pleurs de tout le monde.Toutefois tous ces cris sont des soins superflus;
Nos plaintes dans les airs sont vainement poussées:
Un homme enseveli ne considère plus
Nos yeux ni nos pensées.Sachant qu’il a rendu ce qu’on doit aux autels,
Tu dois être assuré de sa béatitude,
Ou ton esprit troublé croit que les immortels
Sont pleins d’ingratitude.Tes importuns regrets se rendront criminels,
Ton père en son repos ne trouvera que peine
Puisqu’il semble être admis aux plaisirs éternels
Pour te mettre à la gêne.Le mal devient plus grand lorsque nous l’irritons:
Reviens dans les plaisirs que la jeunesse apporte;
C’est un grand bien de voir fleurir les rejetons
Lorsque la souche est morte.Un homme de bon sens se moque des malheurs:
Il plaint également sa servante et sa fille;
Job ne versa jamais une goutte de pleurs
Pour toute sa famille.Après t’être affligé pense à te réjouir,
Qui t’a fait la douleur t’a laissé les remèdes;
Il ne te reste plus que de savoir jouir
Des biens que tu possèdes.Arrête donc ces pleurs vainement répandus;
Laisse en paix ce destin que tes douleurs détestent;
Il faut, après ces biens que nous avons perdus,
Sauver ceux qui nous restent.
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Théophile de Viau, né entre mars et mai 1590 à Clairac et mort le 25 septembre 1626 à Paris, est un poète et dramaturge français. Poète le plus lu au XVIIe siècle, il sera oublié suite aux critiques des Classiques, avant d’être redécouvert par Théophile Gautier. Depuis le XXe siècle, Théophile de Viau est défini... [Lire la suite]
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