Un berger prophète
Je vis dans ces lieux innocents,
Où les esprits les plus puissants,
Quittant leurs grandeurs souveraines,
Suivent ma prophétique voix
Dans le silence de nos bois
Et dans le bruit de nos fontaines.Ici mon désir est ma loi,
Mon entendement est mon roi,
Je préside à mes aventures;
Et comme si quelqu’un des dieux
M’eût prêté son âme et ses yeux,
Je comprends les choses futures.J’ai vu quand des esprits mutins
Sollicitaient nos bons destins
A quitter le soin de la France,
Et deviné que leur malheur
Trouverait dans notre valeur
Le tombeau de leur espérance.Je vois qu’un jeune potentat
Bornera bientôt son état
Du plus large tour de Neptune,
Et son bonheur sans être vain
Pourra voir avecque dédain
Les caresses de la Fortune.
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Théophile de VIAU
Théophile de Viau, né entre mars et mai 1590 à Clairac et mort le 25 septembre 1626 à Paris, est un poète et dramaturge français. Poète le plus lu au XVIIe siècle, il sera oublié suite aux critiques des Classiques, avant d’être redécouvert par Théophile Gautier. Depuis le XXe siècle, Théophile de Viau est défini... [Lire la suite]
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Volatile de gueules
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Je l'observe qui plane, avec l'air innocent,
Porté par son plumage et ses muscles puissants :
C'est le fier volatile à la voix souveraine,
Celui qui meurt de soif auprès de la fontaine.
Quand il dit son désir, ça devient une loi ;
Son âme, semble-t-il, est celle d'un grand roi,
Il est toujours partant pour la grande aventure,
Il voudra bien guider l'humanité future.
Mais n'offrez pas à boire à ce bon potentat,
Sinon vous le verrez dans un drôle d'état ;
D'être ivre auprès des flots, s'il avait l'infortune,
Son sort serait remis au pardon de Neptune.
Sagesse d'un berger prophète
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Je l'observe qui marche, avec l'air innocent,
Porté par sa vigueur et ses muscles puissants :
C'est le noble pasteur à la voix souveraine,
Celui qui au désert peut trouver des fontaines.
Quand il dit sa parole, il révèle une loi ;
Son âme qui pourrait servir le plus grand roi,
Préfère s'embarquer pour la grande aventure,
Il entend s'approcher l'humanité future.
Offrez-lui donc à boire, il n'est pas apostat,
Lui qui de Ciel et Terre a fait son habitat ;
Même sans être cru, il croit en son Royaume,
Pour lui c'est son honneur, et pour nous, c'est un baume.
Berger de l’être
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Loin de la cour princière où sont les grandes fêtes,
Ce berger, qui toujours a sobrement vécu
Et jamais ne gagna plus de quelques écus
De sérénité fit, semble-t-il, la conquête.
Il erre par les bois, laissant libres ses bêtes,
Oubliant le désir qui par lui fut vaincu ;
Rien ne le contrarie, rien ne le pousse au cul,
Il flâne tout le jour, il n’en fait qu’à sa tête.
Or, cette liberté demande des efforts,
Car le désir surgit quand on le croyait mort,
Dont plusieurs noirs démons s’improvisent apôtres.
Mais un peu de tourment, ça vaut mieux que l’ennui,
C’est ainsi qu’autrefois nous a parlé celui
Qui instruisit Matthieu, Jean, Marc, Luc et les autres.
Visionnaire à poil laineux
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Sur la verte colline est un bélier-prophète
Qui pendant plus d’un mois au désert a vécu ;
Tu ne peux l’acquérir, même pour mille écus,
Il craint de se frotter à ton âme imparfaite.
Un homme, d’après lui, c’est une pauvre bête,
Un faible animal qui par le diable est vaincu ;
Quant aux autres vivants, ils en ont plein le cul
De ce primate humain, car il leur prend la tête.
Ce messager divin a pour disciple un porc
Qui, bien que vigoureux, ne pratique aucun sport ;
Il n’est pas très malin, mais c’est un bon apôtre.
Lorsque le ciel est sombre ou que le soleil luit,
Le prophète nous dit que tout va bien pour lui,
Et le cochon confirme : un jour comme les autres.
Apôtre de la beauté
Elle est à genoux devant un faux prophète.
Il lui fait miroiter le plus beau des vécus,
Mais il n’en veut en fait qu’à la poignée d’écus
Qu’elle gagne à l’usine alors qu’il fait la fête.
Pour lui, de ses amis, l’adepte s’est défaite
Comme on jette aux WC l’usagé papier-cul.
L’escroc a en elle l’entendement vaincu,
Avec ses histoires d’êtres d’autres planètes.
Ce vendeur de rêve n’a rien du sage-porc
Que j’admire en raison des très nombreux apports
Qu’il fait à la beauté, d’elle c’est un apôtre.
Des poésies en vers, Cochonfucius produit,
Et dans chacune d’elle un je-ne-sais-quoi luit,
Pour son propre bonheur mais aussi pour le nôtre.