Poème 'Ikaria' de ATOS

Ikaria

ATOS
« Ikaria » - IGOR MITORAJ

« Ikaria » - IGOR MITORAJ

Je n’y arriverai pas. Je dis – impossible. Ça glisse en dehors de moi ça coule.
Je n’y arriverai pas. Tenir. M’y tenir. Encore. au moins . Pour peu. Cette fois, la fois qu’on devine, qu’on reconnaît. Ce moment là. Ça arrive de plus en plus souvent – l’impossible passe à travers moi. Je n’y arriverai pas. Pas cette fois.
Couper. Voilà trancher. Arrêter ça. Je coupe. Ça ne marche plus. Ça ne vient plus. Ailleurs maintenant. Plus en moi. Maintenant ça va. Je le sais. Je ne le sens plus mais je le sais. Maintenant je pourrai écrire n’importe quoi.
Ça ne marche plus en moi. Les mots ne passent plus que par ma tête. Il sont dedans. Ils naissent dedans/ ça entre ça bouge/ ça ressort par la tête.
Penser et dire voilà ça s’arrête là. Ne savoir faire que ça.
Ne penser à rien sauf à ça. C’était simple. Fallait juste penser à faire ça.
Ça ne bouge pas. Le corps et puis le cœur ça va sans moi. Ça ne coule plus. Plus rien mettre dedans, plus rien chercher dedans. Rien à prendre là dedans. Ne plus y foutre les doigts. Ne jamais plus laisser descendre sa langue en soi. Pas le goût à soi. Plus faim de ça. Plus jamais fouiller entre les chairs. Laisser tout se battre là bas. Bien se foutre de tout ce qui bat en bas, là bas, là où c’est tomber une bonne fois. Parce que j’ai tranché. Penser, voilà, penser uniquement en soi. S’amputer. Se couper de soi. Fallait commencer par ça. Je sais. Je dis. Possible maintenant. Je dis je parle, je dis pour me taire. Je ne sais plus ce que j’écris. Je le comprends, je le pense, je le prononce, je le formule, je l’articule mais je ne le sens pas. Ça ne m’appartient pas. Je ne vis pas ce que je dis. C’est mieux comme ça – ça doit être comme ça – C’est froid mais c’est mieux, ma tête n’a pas peur de ça. Elle tourne et retourne – seule la tête elle a besoin de rien. Là si je m’en vais je sais, je peux la laisser, elle marche toute seule en dedans, et même si je suis en dehors, là à me reposer, ma tête ne m’attend pas. Ça ne m’ennuie pas.
Ça repose de ne pas avoir sa tête à soi. Je ne vis pas pas ce que je dis. C’est ma tête. J’oublie là déjà, j’oublie même de parler de ça. De ce qui a vécu, de ce qui vit encore, peut être. Que ça aille vivre ailleurs, je ne l’occupe pas. Demi moi. Démente toi. Tout ça pour en revenir à la tête. C’est à cause de ça la tête tranchée. Je l’aime bien cette gueule là. Me plaie- pas mal.
Elle est tout comme moi. Elle s’en fout la tête on lui cause pas – c’est elle qui parle et moi je me tais- j’ai fait ma part j’ai coupé- bien nette.
Y a que la tête qui compte, le reste je laisse pourrir là. Ça m’a coûté le prix d’une vie. Ça a servi, et maintenant ça pourrit. La tête reste, le reste ça crèvera. Et je m’en fous.
Problème- c’est que ça repousse tout ça. Chaque jour ça repousse. Le cou, des deux côtés on dirait que ça veut se rejoindre, ça n’arrête pas de s’ prolonger, de se tendre, ça en arrive à bouger – si je laisse faire ça va recommencer.
Alors je tranche, chaque jour, j’égalise j’écarte, je coupe . Obligée.
La tête s’oblige. C’est décidé. Ça s’inquiète pas pour le reste, la tête le sait. elle n’en dort pas et moi je ne le sens pas.

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