Poème 'La porte' de ATOS

La porte

ATOS

Il dit qu’il faut que j’y retourne pour y déposer mon silence et aller reprendre ce qui lui manque de moi. Pour que je me décharge de ça. De son enfer. De tout ce que je ne veux pas lui donner, de ce que je ne peux pas lui confier. Alors il faut aller là bas et jeter ça. Et puis après peut être que tout reviendra. Comme si en jetant ça, le temps allait basculer. Comme si ce poids aller faire tourner l’horloge des visages.
« Le temps s’arrête toujours devant une maison déserte. Tu te rappelleras. Là bas tu te souviendras. »
Mais je me souviens. Je n’ai pas besoin de me le rappeler.
Je sais le bruit exact de la rue. Je sais l’heure précisément. Je sais les gestes. Je sais. Je vois ça. Tout le temps. La couleur des murs. Le silence de la table. L’abandon du blanc. La fenêtre à moitié nue devant l’hiver, Je sais la respiration de l’autre. Ce battement là. C’est presque tout ce que je sais maintenant que , tout repose là. Dans la forme de ce parfum.
« Tu portes ça. »
Non, cela m’emporte, c’est bien plus fort que moi. Je sais que je dois pas. Mais j’y reviens sans cesse. Je ne referme pas la porte. Même quand je quitte cet endroit, la porte reste ouverte. Cette porte ouverte c’est comme un appel. Un possible. Une possibilité de blessure. Je mutile mon regard à cette porte. Comme si je passai un lame sur mes mots. Pour faire taire ce qu’il y a eu derrière cette porte. Tant que je peux poser mon regard sur cette porte, j’ai une possibilité d’être vivante. Comme de savoir un peut être enseveli. Je ressens ça. Je sens que je le comprends.
Je n’irai pas là bas. Maintenant il le sait. Il a compris. Il a compris sans que je le lui dise. Il a compris que c’est plus fort que lui. Puisque c’est bien au delà de moi.
Son souffle me dit que puisque c’est comme ça que je revois la chose, il faudrait mieux ne plus jamais se regarder.
Il dit ça avec la chaleur de son ventre sur les muscles de mes reins, sa voix à la virgule de ma nuque, et ses poings au fond de mes mains.
Je ne sais si il croit à ce qu’il dit où si il est encore vraiment celui qui se dit souffrir. Je n’en sais rien et je regarde la porte.
Mais j’ai besoin d’entendre encore sa voix. De reconnaître ses mots. Je les connais. C’est moi qui les lui ai donnés. Il faut qu’il parle encore.
« Et toi où irais où déposer ton silence ? »
« Tu le sais. Là exactement là on nous sommes. Dans cette chambre, à cette heure précise, à cet instant là, à cette lumière là, à ce geste là. Là où tu voudras encore rester près de moi. »
« Et comme ça, si fort que ça, auprès de moi, tu peux, toi, te voir heureux ? »
« Non. ….Moi, j’ai refermé la porte. Mais tu m’as appris que le temps s’échappe parfois par les fenêtres que nous laissons ouvertes».
Et puis, on a plus rien dit. On s’est juste endormi, lui contre moi et moi près de lui.

 "Fallen" de Betina la Plante

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