Poème 'L’aurai-je exprimé, avant de m’en aller…' de Rainer Maria RILKE dans 'Tendres impôts à la France'

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L’aurai-je exprimé, avant de m’en aller…

Rainer Maria RILKE
Recueil : "Tendres impôts à la France"

L’aurai-je exprimé, avant de m’en aller,
ce coeur qui, tourmenté, consent à être ?
Étonnement sans fin, qui fus mon maître,
jusqu’à la fin t’aurai-je imité ?

Mais tout surpasse comme un jour d’été
le tendre geste qui trop tard admire ;
dans nos paroles écloses, qui respire
le pur parfum d’identité ?

Et cette belle qui s’en va, comment
la ferait-on passer par une image ?
Son doux ruban flottant vit davantage
que cette ligne qui s’éprend.

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Commentaires

  1. Ayant tout exprimé, l'homme peut s'en aller ;
    Il a montré comment il appréhendait l'être,
    Il n'a donc plus besoin de fréquenter un maître.
    Le marché se termine, allons, faut remballer.

    L'hiver des ans n'est point suivi par un été ;
    Tu peux dire un adieu à quiconque t'admire,
    Savourer les derniers bols d'air que tu respires,
    Détricoter enfin ta vieille identité.

    La mort nous annihile, et ne dit pas comment,
    Comme sur une ardoise on efface une image,
    Que ferais-tu, si l'on te donnait davantage
    De temps ? Tu le perdrais, comme tu fais, souvent.

  2. Deux amazones
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    Filles libres, au bois, de venir et d'aller,
    Un sourire arborant, venu du fond de l'être !
    Dames de la forêt, combattantes sans maître,
    On leur attribuerait des faits inégalés.

    Vêtues légèrement, l'hiver comme l'été,
    Elles sont l'ornement du jardin que j'admire ;
    Je me sens enivré par l'air qu'elles respirent,
    Leur regard amusé, je ne peux l'éviter.

    Elles vivent au bois, je ne sais pas comment,
    Juste avant de dormir, j'évoque leur image,
    Elles n'ont pas besoin de donner davantage ;
    D'un mot qu'elles ont dit, je me fais un roman.

  3. Neuf rois minuscules
    ----------------------------

    J’ai vu neuf petits rois avec leurs connétables,
    Leurs fous, leurs chambellans et leurs vieux maréchaux,
    Trônant dans un jardin, sous le ciel déjà chaud,
    Jugeant de durs procès, d’une voix irritable.

    C’était un temps d’automne, à peu près supportable ;
    Le repas, ordonné par les grands sénéchaux,
    Commençait par un plat de petits artichauts,
    Les verres étaient pleins d’un petit vin de table.

    Les valets dégustaient des pâtes dans des auges,
    Dont la sauce, bien verte, avait un goût de sauge,
    On les voyait perdus dans leurs mâchonnements.

    Leur vin était versé par de roses servantes
    Auxquelles ils disaient des choses captivantes ;
    Elles s’embellissaient de leur étonnement.

  4. (erreur, le texte ci-dessus est pour Verhaeren et pas pour Rilke)

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