Poème 'Les larmes de l’ours' de Charles-Marie LECONTE DE LISLE dans 'Poèmes barbares'

Les larmes de l’ours

Charles-Marie LECONTE DE LISLE
Recueil : "Poèmes barbares"

Le Roi des Runes vint des collines sauvages.
Tandis qu’il écoutait gronder la sombre mer,
L’ours rugir, et pleurer le bouleau des rivages,
Ses cheveux flamboyaient dans le brouillard amer.

Le Skalde immortel dit : – Quelle fureur t’assiège,
Ô sombre Mer ? Bouleau pensif du cap brumeux,
Pourquoi pleurer ? Vieil Ours vêtu de poil de neige,
De l’aube au soir pourquoi te lamenter comme eux ?

- Roi des Runes ! lui dit l’Arbre au feuillage blême
Qu’un âpre souffle emplit d’un long frissonnement,
Jamais, sous le regard du bienheureux qui l’aime,
Je n’ai vu rayonner la vierge au col charmant.

- Roi des Runes ! jamais, dit la Mer infinie,
Mon sein froid n’a connu la splendeur de l’été.
J’exhale avec horreur ma plainte d’agonie,
Mais joyeuse, au soleil, je n’ai jamais chanté.

- Roi des Runes ! dit l’Ours, hérissant ses poils rudes,
Lui que ronge la faim, le sinistre chasseur ;
Que ne suis-je l’agneau des tièdes solitudes
Qui paît l’herbe embaumée et vit plein de douceur ! -

Et le Skalde immortel prit sa harpe sonore :
Le Chant sacré brisa les neuf sceaux de l’hiver ;
L’Arbre frémit, baigné de rosée et d’aurore ;
Des rires éclatants coururent sur la Mer.

Et le grand Ours charmé se dressa sur ses pattes :
L’amour ravit le coeur du monstre aux yeux sanglants,
Et, par un double flot de larmes écarlates,
Ruissela de tendresse à travers ses poils blancs.

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

  1. Le gyrovague et la chèvre de comptoir

    Le gyrovague vint des collines sauvages.
    Tandis qu'il picolait sur le bord de la mer,
    La chèvre vint pleurer. Le castor des rivages,
    Pour Leconte de Lisle eut un regard amer.

    Le gyrovague a dit : Quelle fureur t'assiège,
    Ô sombre Mer ? Pensif castor du cap brumeux,
    Quelle amertume ! Et toi, ma chèvre au teint de neige,
    De l'aube au soir pourquoi te lamenter comme eux ?

    Gyrovague ! disait le castor d'un air blême
    Qu'un âpre souffle emplit d'un long frissonnement,
    Jamais, sous le regard du chapelier qui l'aime,
    Je n'ai vu rayonner la chèvre au col charmant.

    Gyrovague ! jamais, dit la Mer infinie,
    Ce castor n'a connu la splendeur de l'été.
    Et j'exhale pour lui ma plainte d'agonie,
    Car joyeux, au soleil, il n'a jamais chanté.

    Gyrovague ! disait la chèvre d'un air rude,
    Tu n'es peut-être bien qu'un chapelier farceur.
    Que ne suis-je castor des tièdes solitudes
    Pour goûter à Cluny le vin plein de douceur !

    Cochonfucius partit d'un grand rire sonore :
    Un parasol brisa les neuf sceaux de l'hiver.
    Le castor fut baigné de rosée et d'aurore.
    Des rires éclatants coururent sur la Mer.

    La chèvre transformée se dressa sur ses pattes.
    Le gyrovague a dit ce poème à la flan,
    Et, pour qu'à ce moment nul ne se déshydrate,
    Ruissela d'un tonneau un bon petit vin blanc.

Rédiger un commentaire

Charles-Marie LECONTE DE LISLE

Portait de Charles-Marie LECONTE DE LISLE

Charles Marie René Leconte de Lisle, né le 22 octobre 1818 à Saint-Paul dans l’Île Bourbon et mort le 17 juillet 1894 à Voisins, était un poète français. Leconte de Lisle passa son enfance à l’île Bourbon et en Bretagne. En 1845, il se fixa à Paris. Après quelques velléités lors des événements de 1848, il renonça... [Lire la suite]

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS