Poème 'Moi et mes pieds – Nouvelle -' de ATOS

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Moi et mes pieds – Nouvelle -

ATOS

Il fallait se le dire, se le répéter. J’allais devoir quitter une terre sur laquelle je venais juste de me poser. Même aux baleines,on leur fout la paix, quand elle viennent, ici, s’échouer.
Moi je n’avais sans doute pas eu assez de pot, trop petit pot, vilaine couleur de pot.
A présent, j’attends, les rilsans aux poignets, j’attends et je regarde mes pieds.
Ils devront encore un peu plus loin me porter, reporter mon histoire, déporter mon vouloir.
J’attends – Gobelet en papier. Le café est bien chaud. C’est l’essence de ce ciel . Mon miel de Cayenne.Je ne le partagerai pas. D’ailleurs avec qui? Et surtout pourquoi?
Chaque cas dans un box, chaque dossier aussi plat.
Ils n’arrêtent pas de bouger. A les voir s’agiter, j’ai besoin de m’évader.
A les voir sortir, entrer, s’arrêter, se retourner, me revient l’envie d’expirer, le besoin d’avancer .
Je les entends parler de février, de la pluie qui ne cessera pas de tomber, des problèmes que constituent notre identité. Moi j’aimerai connaître ce qui leur pose problème.
C’est peut être les emmerdes qui font le plâtre, pour réduire la fracture sociale…?
Si mes emmerdes avaient le même parfum que les leurs, au lieu d’avoir cette odeur, se pourrait il que nous devenions tous frères dans cet enfer ?
Moi je n’ai rien. Quelques nippes. Plus de papiers, j’ai tout jeté sur le quai.
De toute façon , mon pays m’était devenu étranger. Plus de terre, pas de père, et puis toujours leur guerre.
Au nord de cette frontière, après d’autres convois, intervention des forces en paix. Par réflexes romantiques, la cavalerie occidentale se mobilise , mobilisation générale aux relents mercantiles ..
Encore un hiver, un autre convoi vers le sud du désert,- un camp, quelques hommes en blancs, la curée du partage pour une poignée de farine, et puis l’ombre de nos corps qui devient étrangement familière. Plus assez de prières pour les morts, plus de mots pour les mourants.
Les ventres des femmes deviennent la source des enfers. Donner la vie…Mais qu’est qu’on donne quand son sein se tarit?
La valeur d’un homme se voit elle dans ses larmes… Mes larmes ne cesseront jamais.
Mes pieds et moi, on a eu juste le temps de louper le deuxième convoi….
«Mal bien acquis te profiteras un jour».
Tous, jusqu’au plus jeune, ils sont partis en fumée, juste derrière la dernière ligne de barbelés.
On nous avaient tous oubliés. C’est toujours ce qui arrive aux sujets sensibles, jamais à ceux de sa Majesté.
Il pleut toujours, le hangar d’en face n’arrête pas de me le répéter.
Je ne m’inquiète pour mon avenir, moi qui survis dans ce monde à chaque seconde.
Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mes pieds avancent et j’essaie de les devancer.
Le plus souvent j’ai faim. En fait je cherche toujours à manger.
Le monde est si grand qu’il y a bien un endroit où je pourrai m’étendre. Dormir, dormir des jours, des jours entiers. Ne plus courir, ne plus chercher à comprendre ce qui se dit autour de moi.
Laisser mes pieds se reposer, ils ont bien le droit de rêver.
Moi, je ne sais plus si j’oserai encore… Rêver.
Je veux me dire que je le sais encore, mais j’évite de me torturer. Il faut mieux que je m’occupe de mes pieds.
Je dois me lever , c’est ce que me dit l’homme qui tire sur mes poignets.
Il a intérêt a bien tenir la laisse,. Il s’étonne de me voir traîner les pieds.
Qu’est ce qu’il s’imagine ?, Que je vais le laisser me promener? Mes pieds sont fatigués.
Cet uniforme fait pâle figure comparait à l’informe que portait la milice en chasse des convois.
Je ne te crains pas, gardien. Tu trembles peut être plus que moi.
Moi je veux rester et toi tu ne le veux pas. C’est comme ça. Tu n’es pas obligé de gagner!
Tu hurles, ça m’est égal. J’interroge mes pieds. On se questionne.
En fait.. je comprends très bien. Des mots des hommes, je comprends leur musique et leur rythme . J’ai appris à entendre. C’est un don qui m’est venu de l’enfer.
Tu veux que je te livre mon passé? Moi mon passé je veux l’oublier.
Je veux bien te le confier gardien , mais as tu assez de force pour le porter?
Mon identité pose problème. Tu n’y es pour rien ,mais dis toi que, moi non plus, je n’y suis pour rien.
J’ai fui ce que tu ne pourras jamais comprendre. J’ai fui ce qui ne prendra jamais corps dans ta conscience. Tu ne sais pas. Et tu ne sauras jamais. Je ne te le souhaite pas.
Laisse moi s’il te plaît m’en aller. « Un de plus ou un de moins,… hein? »
Je te souris, je crois que tu ne me vois même pas.
« Encore un de plus » c’est essentiel, hein?… Et moi je ne t’entends plus, déjà.
Ton mouvement est lent et ton soupir sans doute douloureux.
Tu me tends ton stylo bleu , des deux mains je signe : Mickey.
C’est le nom qui m’est venu en regardant l’affiche derrière derrière toi.
Le roi de Paris serait donc une souris, qui habiterait ce château rose!.
Non décidément tu ne sauras jamais d’où je viens, ni même ,vois tu, là où je vais.
Je suis ce que mes pieds me disent et crois, le ou pas, cela m’épuise.

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