Poème 'À Méry' de Théodore de BANVILLE dans 'Odelettes'

À Méry

Théodore de BANVILLE
Recueil : "Odelettes"

Plus vite que les autans,
Saqui, l’immortelle, au temps
De sa royauté naissante,
Tourbillonnait d’un pied sûr,
A mille pieds en l’air, sur
Une corde frémissante.

Et l’on craignait que d’un bond
Parfois son vol vagabond
Décrochât, par aventure,
Parmi les cieux étoilés,
Les astres échevelés
Fouettés par sa chevelure.

En haut vers elle parfois,
Comme de tremblantes voix,
Montaient les cris de la foule
Qu’elle voyait du ciel clair
Confuse comme une mer
Où passe l’ardente houle.

Et, soit qu’en faisant un pas
Elle regardât en bas
Ou vers les célestes cimes,
Aux cieux que cherchait son vol,
Comme à ses pieds sur le sol,
Elle voyait deux abîmes.

Dans les nuages vermeils,
Au beau milieu des soleils
Qu’elle touchait de la tête
Et parmi l’éther bravé,
Elle songeait au pavé.
Tel est le sort du poète.

Il trône dans la vapeur.
Beau métier, s’il n’avait peur
De tomber sur quelque dalle
Parmi les badauds sereins,
Et de s’y casser les reins
Comme le fils de Dédale.

Dans l’azur aérien
Qui le sollicite, ou bien
Sur la terre nue et froide
Qu’il aperçoit par lambeau,
Il voit partout son tombeau
Du haut de la corde roide,

Et, sylphe au ventre changeant
Couvert d’écailles d’argent,
Il se penche vers la place
Du haut des cieux irisés,
Pour envoyer des baisers
A la vile populace.

Mai 1855.

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