Poème 'Ève' de Marie KRYSINSKA dans 'Rythmes pittoresques'

Ève

Marie KRYSINSKA
Recueil : "Rythmes pittoresques"

A Maurice Isabey.

Ève au corps ingénu lasse de jeux charmants
Avec les biches rivales et les doux léopards
Goûte à présent le repos extatique,
Sur la riche brocatelle des mousses.
Autour d’elle, le silence de midi
Exalte la pamoison odorante des calices,
Et le jeune soleil baise les feuillées neuves.
Tout est miraculeux dans ce Jardin de Joie:
Les branchages s’étoilent de fruits symboliques
Rouges comme des cœurs et blancs comme des âmes;
Les Roses d’Amour encore inécloses
Dorment au beau Rosier;
Les Lys premiers nés
Balancent leurs fervents encensoirs
Auprès
Des chères coupes des Iris
Où fermente le vin noir des mélancolies;
Et le Lotus auguste rêve aux règnes futurs.
Mais parmi les ramures,
C’est la joie criante des oiseaux;
Bleus comme les flammes vives du Désir,
Roses comme de chastes Caresses
Ornés d’or clair ainsi que des Poèmes
Et vêtus d’ailes sombres comme les Trahisons.
Ève repose,
Et cependant que ses beaux flancs nus,
Ignorants de leurs prodigieuses destinées,
Dorment paisibles et par leurs grâces émerveillent
La tribu docile des antilopes,
Voici descendre des plus hautes branches
Un merveilleux Serpent à la bouche lascive,
Un merveilleux Serpent qu’attire et tente
La douceur magnétique de ces beaux flancs nus,
Et voici que pareil à un bras amoureux,
Il s’enroule autour
De ces beaux flancs nus
Ignorants de leurs prodigieuses destinées.

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Commentaires

  1. Serpent qui chante (et qui déchante)
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    Le serpent de jadis était un joyeux barde
    Écouté de la biche et du fier léopard ;
    Son chant véhiculait quelquefois des bobards,
    Que peut la vérité contre ceux qui la fardent ?

    Quand Eve savourait sa pause méridienne,
    Le charmant animal vantait le goût des fruits ;
    Il lui en apportait, presque sans aucun bruit,
    La femme chérissait l'offrande quotidienne.

    Pourquoi brisa-t-il donc ce charmant équilibre ?
    Je crois qu'il fut jaloux dans le fond de son coeur ;
    Alors il accomplit cet acte destructeur
    Par lequel, homme et femme, ils sont devenus libres.

  2. L’arbre au jardin médite
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    Qui sait si le serpent du péché fut lavé ?
    Quant à moi, j’aimais bien cet être bucolique
    Qui racontait sa vie dans des mondes rêvés ;
    Mais c’était un nuisible, ainsi qu’on nous l’explique.

    Je laisse à son propos ma pensée dériver ;
    Tu ne la connais pas, livre mélancolique,
    Car il est des instants que j’ai seul observés :
    Un arbre ne peut pas être un auteur biblique.

    Je songe à mon passé, je porte des fruits mûrs,
    Je lis ce qu’un archange écrivit sur un mur ;
    J’aime les souvenirs, j’aime les découvertes.

    La dame du jardin, qui venait me toucher,
    Qu’est-elle devenue, où s’est-elle cachée ?
    Est-elle oiseau du ciel ou poisson dans l’eau verte ?

  3. Baron Léopard
    -------------

    Le baron Léopard, au blason délavé,
    Choisit pour sa retraite un manoir bucolique ;
    Le bord de la Garonne est un endroit rêvé,
    Ausone dans un livre en bon latin l’explique.

    Il laisse au fil de l’eau ses songes dériver,
    Les uns plutôt joyeux, d’autres mélancoliques ;
    Les oiseaux qu’il rencontre et qu’il aime observer
    Tiennent en leur jargon des propos symboliques.

    Révolu son jeune âge, aussi son âge mûr,
    Il écrivit cela quelque part sur un mur ;
    Mais il garde l’espoir de belles découvertes.

    Même si Cupidon ne peut plus le toucher,
    Ses sentiments d’amour ne restent point cachés ;
    Puis, l’herbe de la friche est encore assez verte.

  4. Serpent de la vigne
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    Ce reptile qui mord dans les grappes juteuses,
    Il n’aurait point l’idée de manger d’autres fruits ;
    Il aime dérober d’un labeur le produit,
    Cette pitance est douce à sa langue menteuse.

    La Dame fut trompée par ses paroles creuses,
    Adam fut à son tour par de tels mots séduit ;
    Quelque démons alors ont ce jardin détruit,
    Non sans s’être gavés de pommes savoureuses.

    Malheur pour cet ancêtre et pour ses descendants !
    Beaucoup d’entre eux cuiront dans un brasier ardent,
    D’une vie de pécheur la juste pénitence.

    Quand auras-tu pitié de nous, Dieu paternel ?
    Tu sais que tes enfants ne sont pas éternels,
    Mais peut-être, pour toi, c’est de peu d’importance.

  5. Le serpent du vi-
    Gnoble n'est pas to-
    Talement ignoble.

  6. Le serpent rêve
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    En rêve on me fit Roi des Morts,
    Seigneur d’un infernal repaire ;
    Presque aussi fort que Dieu le Père,
    Presque aussi sage qu’un vieux porc.

    Les défunts qui plus rien n’espèrent
    Sont dans la peine et le remords ;
    Je leur dis d’accepter leur sort,
    Mais certains d’entre eux s’exaspèrent.

    Je voudrais les distraire un peu,
    Je plaisante comme je peux ;
    Je me déguise en petit faune.

    Ils n’en sont guère consolés,
    Rien ne sert de les cajoler ;
    Ils ne feront que rire jaune.

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Marie KRYSINSKA

Portait de Marie KRYSINSKA

Marie Anastasie Vincentine Krysinska, née à Varsovie le 22 janvier 1845 et morte à Paris le 16 octobre 1908, est une poétesse française. Fille d’un avocat de Varsovie, Marie Krysinska de Lévila vient à Paris étudier au Conservatoire de musique, études qu’elle abandonne bientôt pour s’adonner à la littérature.... [Lire la suite]

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