Poème 'Hylas' de André CHÉNIER dans 'Poésies Antiques'

Hylas

André CHÉNIER
Recueil : "Poésies Antiques"

Au chevalier de Pange.

Le navire éloquent, fils des bois du Pénée,
Qui portait à Colchos la Grèce fortunée,
Craignant près de l’Euxin les menaces du Nord,
S’arrête, et se confie au doux calme d’un port.
Aux regards des héros le rivage est tranquille ;
Ils descendent. Hylas prend un vase d’argile,
Et va, pour leurs banquets sur l’herbe préparés,
Chercher une onde pure en ces bords ignorés.
Reines, au sein d’un bois, d’une source prochaine,
Trois naïades l’ont vu s’avancer dans la plaine.
Elles ont vu ce front de jeunesse éclatant,
Cette bouche, ces yeux. Et leur onde à l’instant
Plus limpide, plus belle, un plus léger zéphyre,
Un murmure plus doux l’avertit et l’attire :
Il accourt. Devant lui l’herbe jette des fleurs ;
Sa main errante suit l’éclat de leurs couleurs ;
Elle oublie, à les voir, l’emploi qui la demande,
Et s’égare à cueillir une belle guirlande.
Mais l’onde encor soupire et sait le rappeler.
Sur l’immobile arène il l’admire couler,
Se courbe, et, s’appuyant à la rive penchante,
Dans le cristal sonnant plonge l’urne pesante.
De leurs roseaux touffus les trois nymphes soudain
Volent, fendent leurs eaux, l’entraînent par la main
En un lit de joncs frais et de mousses nouvelles.
Sur leur sein, dans leurs bras, assis au milieu d’elles,
Leur bouche, en mots mielleux où l’amour est vanté,
Le rassure, et le loue, et flatte sa beauté.
Leurs mains vont caressant sur sa joue enfantine
De la jeunesse en fleur la première étamine,
Ou sèchent en riant quelques pleurs gracieux
Dont la frayeur subite avait rempli ses yeux.

 » Quand ces trois corps d’albâtre atteignaient le rivage,
D’abord j’ai cru, dit-il, que c’était mon image
Qui, de cent flots brisés prompte à suivre la loi,
Ondoyante, volait et s’élançait vers moi.  »
Mais Alcide inquiet, que presse un noir augure,
Va, vient, le cherche, crie auprès de l’onde pure :
 » Hylas ! Hylas !  » Il crie et mille et mille fois.
Le jeune enfant de loin croit entendre sa voix,
Et du fond des roseaux, pour adoucir sa peine,
Lui répond d’une voix inentendue et vaine.

De Pange, c’est vers toi qu’à l’heure du réveil
Court cette jeune Idylle au teint frais et vermeil.
Va trouver mon ami, va, ma fille nouvelle,
Lui disais-je. Aussitôt, pour te paraître belle,
L’eau pure a ranimé son front, ses yeux brillants ;
D’une étroite ceinture elle a pressé ses flancs ;
Et des fleurs sur son sein, et des fleurs sur sa tête,
Et sa flûte à la main, sa flûte qui s’apprête
A défier un jour les pipeaux de Segrais,
Seuls connus parmi nous aux nymphes des forêts.

Poème préféré des membres

Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.

Commentaires

Aucun commentaire

Rédiger un commentaire

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS