Poème 'Kony' de ATOS

Kony

ATOS

Kony, ton fleuve c’est l’avenue des pas perdus,
des pas vernis.
Tu traines sur ses rives et tu dérives.
Tu t’es mise à la colle avec la misère dans la cité de l’enfer.
Ici, on est pas malheureux!
On a juste la vie un peu de travers…
Alors aujourd’hui, Kony, suffit bien à notre peine.
Crois moi.
Kony, c’est des jours qui se suivent et qui bégayent.
Kony, c’est une gosse qui se dilate dans un marigot,
et qui sait depuis toujours qu’il faut se méfier des caniveaux.
Ici tout s’agite à midi, le bus, les caisses et les caddies,
le Yop, les chips, et les magazines.
Puisqu’ici on vit tous dans l’ombre,
le soleil doit bien se trouver quelque part…
La peau à la vanille, les tresses au karité, le pas chaloupé, tu brailles qu’ici t’es sur tes terres.
T’as des envies de ville Madame:
Chanel, Gucci Guess et Cie, toutes ces conneries de verre brisé que tu farfouilles au marché.
Tu chantes toujours, Kony, tu chantes à contre jour.
Et puis tu gueules, Kony, tu gueules toujours quand le bus a oublier de s’arrêter.
Qu’importe la rive, l’eau est toujours assez profonde pour se noyer. Pas vrai ?
Kony, t’as des verbes insensés, des mots inventés,
des phrases violentées.
Ici tu kiffes chaque jour, mais qu’est ce que tu peux te faire chier.
Kony t’es l’été des quais de la Seine, une herbe du faubourg qui se démène pour survivre dans la Plaine.
Le chemin de l’école tu t’es dépêchée de l’oublier. Pas vrai?
Et puis ta mère ne comprenait pas ce que t’écrivais sur tes cahiers,
et puis on faisait rien que la regarder.
Ça t’énervait.
Pas vrai?
Kony t’es qu’une môme qui se fout des passages cloutés.
T’es une déesse du pavé.
Ton regard est une lance, et quand tu danses tout le quartier veut se damner.
Kony, t’as des éclats d’arc en ciel au bout de tes doigts gelés,
un rire qui ressemble à une rivière,
et puis un cul qui fait rougir les cages d’escalier.
Kony, t’as jamais su ce que te voulait la vie.
Alors tu la traines comme on traine une chienne qu’on aurait ramassée en fin de semaine.
Kony, tu rêves toujours à des trucs que te font péter le cœur.
Mais ça t’en parle jamais, c’est pas demain qu’on verra ton cul sur les pavés. Pas vrai ?
Mais l’ombre de personne te cache le soleil, Kony.
C’est pour ça que t’as toujours l’air d’être tombée sur dalle.
Il n’y a que ce petit bonhomme qui s’accroche à ton ventre comme du poil à gratter ramassé derrière la MJC désaffectée.
Lui, il saura te voir. Tu pourrais peut être y croire…
Il pourrait survivre malgré toi mais il ne pourra jamais
vivre sans toi.
J’crois pas.
Mais tu t’es dit qu’on ne peut pas ramasser tout ce qui traîne…
Ici il n’y a que les coups que l’on accuse.
Les hommes ça te laisse un goût de galère et la vie amère.

T’en as plein les bottes et l’espoir n’arrive plus à suivre tes pas.
Kony tu t’es mangée une gamelle et tu t’es fait la belle.
Cette putain de sirène hurle dans toute la cité.
En deux tons ils t’ont emportés.
Tu nous as laissés tout ébréchés.
Alors on traîne la nouvelle comme on traine une gamelle au bout d’une ficelle.
Dans la ville Madame, pas si loin de ton quartier, sur l’île de la Cité, dans leurs jolis palais, les vieux cons s’endorment et rêvent de demain, tellement heureux d’être contents.
Tellement peureux, sans doute certains,
vraiment odieux.
Kony, t’étais une fleur du gravier.
Depuis que tes pétales sont tombés sur la dalle, on tourne en rond comme des flocons en plein été.
Mais au de là nos cages, les peuples de l’Omo se souviennent et te gardent.
Fille d’Azeb, reine du royaume d’Aksoum, là où la terre accouche du fleuve bleu,
fille de Candace et de Basel.
Kony, gazelle du soleil, dans cette vie de poussière tu étais faite comme un rat.
Et dans nos villes règnent les chats.
Kony, aujourd’hui suffit bien à notre peine… Crois moi.
Le fleuve emporte ton nom et nous restons sur sa rive comme des cons.
C’est vrai que dans ce fleuve on y jette tout ce qui traîne…

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