Poème 'La vieillesse' de René-François SULLY PRUDHOMME dans 'Les solitudes'

La vieillesse

René-François SULLY PRUDHOMME
Recueil : "Les solitudes"

Viennent les ans ! J’aspire à cet âge sauveur
Où mon sang coulera plus sage dans mes veines,
Où, les plaisirs pour moi n’ayant plus de saveur,
Je vivrai doucement avec mes vieilles peines.

Quand l’amour, désormais affranchi du baiser,
Ne me brûlera plus de sa fièvre mauvaise
Et n’aura plus en moi d’avenir à briser,
Que je m’en donnerai de tendresse à mon aise !

Bienheureux les enfants venus sur mon chemin !
Je saurai transporter dans les buissons l’école ;
Heureux les jeunes gens dont je prendrai la main !
S’ils aiment, je saurai comment on les console.

Et je ne dirai pas : « C’était mieux de mon temps. »
Car le mieux d’autrefois c’était notre jeunesse ;
Mais je m’approcherai des âmes de vingt ans
Pour qu’un peu de chaleur en mon âme renaisse ;

Pour vieillir sans déchoir, ne jamais oublier
Ce que j’aurai senti dans l’âge où le coeur vibre,
Le beau, l’honneur, le droit qui ne sait pas plier,
Et jusques au tombeau penser en homme libre.

Et vous, oh ! Quel poignard de ma poitrine ôté,
Femmes, quand du désir il n’y sera plus traces,
Et qu’alors je pourrai ne voir dans la beauté
Que le dépôt en vous du moule pur des races !

Puissé-je ainsi m’asseoir au faîte de mes jours
Et contempler la vie, exempt enfin d’épreuves,
Comme du haut des monts on voit les grands détours
Et les plis tourmentés des routes et des fleuves !

Poème préféré des membres

LOLICID et charlentoine ont ajouté ce poème parmi leurs favoris.

Commentaires

  1. Disciples, ne soyez pris dans les apparences :
    Ne distinguez pas trop le bon du mauvais sort,
    Et sachez que le faible use toujours le fort.
    N'ayez peur du bâton, n'exigez récompense.
    *
    La chose et son contraire ont peu de différence;
    L'installation plus dure est source de confort,
    S'occuper de sa vie est aller vers la mort,
    Trop de douceur égale un surcroît de violence.
    *
    Un sage sous son toit, un arbre dans la plaine,
    Aucun des deux ne va parler à perdre haleine,
    Tous deux se satisfont de la clarté du jour.
    *
    Or, quand, le soir venu, cette clarté décline,
    Quand, sous le vent d'hiver, le vieil arbre s'incline,
    Il dit: "La vie n'est pas avec moi pour toujours".

  2. Vigne des anges
    --------------------

    Les anges font leur vin, c’est le sang du Sauveur ;
    Le sien, et non le leur, car ils n’ont pas de veines,
    Mais, de ce doux breuvage, ils aiment la saveur,
    Même sans le besoin d’y noyer une peine.

    Nobles anges du ciel, affranchis du baiser,
    Vous ne brûlez jamais d’une fièvre mauvaise,
    Ni ne portez le deuil de vos rêves brisés,
    Soyez donc vignerons, buvez tout à votre aise !

    Bienheureuse la vigne au céleste chemin !
    Et bienheureux le chant des anges qui picolent,
    Bouteille sur la table et petit verre en main ;
    En les voyant si gais, les humains se consolent.

Rédiger un commentaire

René-François SULLY PRUDHOMME

Portait de René-François SULLY PRUDHOMME

René Armand François Prudhomme, dit Sully Prudhomme, né à Paris le 16 mars 1839 et mort à Châtenay-Malabry le 6 septembre 1907, est un poète français, premier lauréat du Prix Nobel de littérature en 1901. Fils d’un commerçant, René Armand Prudhomme, qui souhaite devenir ingénieur, fait ses études au lycée Bonaparte,... [Lire la suite]

© 2024 Un Jour Un Poème - Tous droits réservés
UnJourUnPoeme sur Facebook UnJourUnPoeme sur Twitter RSS