Poème 'L’analphabète – (Scène In – augurale)' de ATOS

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L’analphabète – (Scène In – augurale)

ATOS

- Dieu est analphabète.

- Forcément

- Toi aussi tu trouves ça évident ?

- Je trouve surtout que c’est assez cohérent.
Autrement nous aurions découvert l’écriture et non… inventé.
Il n’avait pas besoin de prendre de note. La mémoire c’est notre affaire. Pas la sienne, probablement. Ou alors il a été très malin. Pas de trace, pas de preuve. Le crime parfait.
Ça aiguise le sens du secret. Nous on a du comprendre. Une victime faut que ça comprenne. Sinon ça devient fou.Après coup. Alors on s’est trouvé des outils.

- Il était analphabète sinon il aurait su ce qui allait se produire…

- L’écriture n’est pas l’art de la divination.
Même si tu me réponds que c’est une création.

- Ce qui est écrit existe.

- Évident.

- Donc ce qui se produit se produira.

- Donc pour toi tout ce qui s’écrit peut exister… Remarque ce qui se produit aujourd’hui, c’est ce qui pouvait se produire hier.

- Ce qui devait. Oui mais là n’est pas le problème.

- Ce n’est pas parce que c’est probable…

- Que ce n’est pas possible.

- Bon Il était analphabète… Cela ne fait pas avancer ton enquête.

- J’ai arrêté. J’arrête d’écrire.

- Dis que tu n’y arrives pas.

- Non je ne veux plus écrire.

- Et tu penses que si tu t’arrêtes d’écrire plus rien ne se produira ?

- Au moins je ne serai plus responsable.

- Responsable de quoi ? De ce que tu écriras ou de ce qui se produira ?

- C’est la même chose.

- Tu as la trouille c’est tout. Tu as la trouille et tu dirais n’importe quoi pour ne pas le reconnaître. Alors écris ça. Au moins. Ce sera toujours ça.

- Non.

- Tu croyais quoi ? Que tu maîtrisais ce que tu écrivais ?

- Je le croyais.

- Bein mon bonhomme le dépucelage a été long !
Si tu voulais être libre il ne fallait pas écrire.

- Qu’est ce que j’aurai dû faire ?

- Rien Strictement rien, c’est là la liberté, l’irresponsabilité de ce qui se produit.
Tu n’agis pas, et rien ne bougera.
Tu n’écris pas et rien ne changera.
Tu ne lis pas et rien ne se modifiera.

- Autant crever. Ta liberté pue la charogne.

- Alors écris et arrête de nous emmerder. Au moins on respirera.
En fait, tu es dangereux. Tu nous mets tous en danger. Si ce que tu écris se produit, je ne te lirai pas. Ça ne m’intéresse pas. Écris ce qui n’existe pas ou pas encore.

- Impossible. Je ne maîtrise pas.

- Invente des mots.

- Je ne suis pas poète je te le rappelle.

- Tout le monde l’est.

- Mais tout le monde veut être aimé. Les imbéciles.

- Mais ils le sont.

- Qui ? Les imbéciles ?

- Non les imbéciles sont généralement très heureux. Les poètes, morts, ils le sont.

- A condition d’avoir un bon éditeur.

- Alors écris sur toi. D’ailleurs je croyais que c’était le cas.

- J’écris de moi à toi. Je ne parle ni de toi, ni de moi. Je parle en distance. De ce rapport entre nous. Entre nous tous.

- Lieue commune, en somme. Gare aux lieux communs.
Alors écris sur ta propre distance. Au moins, ça limitera le nombre de tes victimes.
Autobiographie, ça te parle ? Un petit je à toi.

- Une vie ça fait toujours écho. Ça provoque souvent des avalanches.

- Alors chuchote, ça fera moins de bruit.

- Et pourquoi pas écrire sur la pointe de mon stylo pendant qu’on y est ?

- A l’encre sympathique…Bon donne-moi un exemple.

- Un exemple ?

- Un exemple de ce que tu dis avoir commis.

- La fin de l’amour.

- Évidement ça ne pouvait pas être un truc à taille humaine. Faut que tu ailles planter ton petit drapeau sur le toit du monde….Mais ça… ça existait avant que tu ne l’écrives. On t’a pas attendu pour jouer cette scène là.

- Mais avant de l’écrire, je n’y croyais pas.

- Et en l’écrivant, tu y as cru ?

- Forcément, puisque ce qui existera se produit. C’est devenu évident.

- Donc le fait que tu écrives te fait croire…

- Non, me fait réaliser que- tout peut arriver.

- Et donc pour que rien n’arrive, il ne faudrait plus rien faire, c’est ça ?
Je te savais dans la rédaction pas dans l’action.
Voyez le bel agitateur qui cesse ici de nous agiter ! Et qui reste là sans réaction.
Et quand tu lis, ça fait pareil ?

- Pareil. Le même bruit. Dans la tête, le même bruit.

- Un conseil : ne lâche pas les étriers.

- J’ai dit ton nom à l’océan et il m’a entendu.

- Quoi ?

- J’ai dit ton nom à l’océan et il m’a entendu.

- Qui ?

- L’océan.

- Ah… et il t’a répondu ?

- J’ai la réponse. Puisque je l’ai écrit.

- Espérons qu’il retienne mon nom.

- C’est important ?

- À toi de me le dire. Après tout c’est toi qui fais les présentations.

- J’ai écrit cette phrase. C’est la première phrase et ce sera la dernière.
Et je ne sais pas pourquoi.

- Ça fait pavé dans l’eau… Flop. Un bruit sourd…Plouf. Très maladroit.

- Tu comprendras un jour tu verras tu comprendras que j’avais raison.

- Je n’écris pas, moi, donc ce qui se produira je ne le sais pas. Ce qui fait de moi un homme libre, contrairement à toi.

- Tu y viendras. Tu écriras.

- Ça je ne le crois pas.

- Pourquoi?

- Je n’en ai pas besoin.

- Ni de lire ni d’écrire hein ?

- Voilà. Comme lui.

- Et comme lui tu laisseras à d’autres le soin d’écrire toute l’histoire. Et pour finir de la vivre. En fait, vous êtes de mèche tous les deux.

- Complicité bien ordonnée, comme par..

- Tu vois ça s’est produit…

- Quoi ?

- Ce que j’ai écrit ça s’est produit.
J’ai donné ton nom à un océan et il n’a rien répondu.

- La réalité finit toujours pas entrer dans la fiction. Elle ne la dépasse que lorsqu’elle la quitte. C’est un bruit qu’on oublie pas.

- Forcément.

- Faut le vivre pour entendre le mouvement.
Je suis analphabète peut être mais je ne suis pas sourd.

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