Le berceau
Dans la chambre paisible où tout bas la veilleuse
Palpite comme une âme humble et mystérieuse,
Le père, en étouffant ses pas, s’est approché
Du petit lit candide où l’enfant est couché ;
Et sur cette faiblesse et ces douceurs de neige
Pose un regard profond qui couve et qui protège.
Un souffle imperceptible aux lèvres l’enfant dort,
Penchant la tête ainsi qu’un petit oiseau mort,
Et, les doigts repliés au creux de ses mains closes,
Laisse à travers le lit traîner ses bras de roses.
D’un fin poudroiement d’or ses cheveux l’ont nimbé ;
Un peu de moiteur perle à son beau front bombé,
Ses pieds ont repoussé les draps, la couverture,
Et, libre maintenant, nu jusqu’à la ceinture,
Il laisse voir, ainsi qu’un lys éblouissant,
La pure nudité de sa chair d’innocent.
Le père le contemple, ému jusqu’aux entrailles…
La veilleuse agrandit les ombres aux murailles ;
Et soudain, dans le calme immense de la nuit,
Sous un souffle venu des siècles jusqu’à lui,
Il sent, plein d’un bonheur que nul verbe ne nomme,
Le grand frisson du sang passer dans son coeur d’homme.
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Albert SAMAIN
Albert Samain, né à Lille le 3 avril 1858, mort à Magny-les-Hameaux le 18 août 1900, est un poète symboliste français. Son père étant décédé alors qu’il n’avait que 14 ans, il dut interrompre ses études pour gagner sa vie et devint employé de commerce. Vers 1880, il fut envoyé à Paris, où il décida de rester.... [Lire la suite]
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