Poème 'Le bois pourri' de ATOS

Le bois pourri

ATOS

C’est un bois d’étrange compagnie.
Le bruit est là, et bien maudit.
Le vent arrache sa traîne.
L’ongle des branches écorche le ciel.
Le bruit s’arrête, il nous épie.
Le temps s’apprête.
En ce lieu il dépose son outil.
Il aiguise sa mémoire sur le regard.
L’arbre se dresse.
Il débite tout ce que le bois murmure en lui :

«- Commence par l’aubier
termine par la chair
Hache moi
Tourne moi
Que ma sève marque l’outil
Que je tombe
Q’on me foudroie
Que ma fibre se déchire
Qu’elle craque
Qu’éclate ma furie
Que je chute
Que je gisse
Que l’on m’étrangle
Que l’on me jette
Que l’on me scie.
Que je tremble
que je frémisse
Qu’on me projette
que je sciure
que je poudre
que je cendre
Que je me traîne
que l’on me charge
que l’on me pousse
et que plonge et que je flotte
qu’on me dérive et m’achemine
Que l’on m’extirpe, que l’on me sorte,
que j’étuve et que je sèche
que je vieillisse, que je palisse
Qu’on en finisse
Que l’on me range
Q’on me suspende
que l’on me tranche
que l’on me trace
que l’on me colle
que l’on me cloue
que l’on me râpe
Que l’on me ponce
et qu’on m’engraisse
qu’on me caresse
que l’on m’installe
Que je m’éloigne
que l’on m’admire
Que l’on s’arrête
Que l’on s’approche
Que s’introduise en moi la clé
et qu’enfin s’ouvre ma porte. »

C’est un bruit d’étrange compagnie
Le bois est là,
et bien pourri.
Le vent tire une chaîne .
Le ciel tranche dans la terre.
Le bois gémit .
Le vent s’arrête.
Il ramasse ses outils .
Il essuie le fil d’une histoire
à la manche de la nuit.

L’arbre se penche
et devine tout ce que le bois fera de lui.
Dans le ciel, il se replie.

Dans le bruit s’égoutte au loin la nuit.

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