Poème 'Le Cercle' de ATOS

Le Cercle

ATOS

Les souvenirs sont des fantômes qui hantent des demeures. C’est peut être la raison pour laquelle, au matin de mes jours je n’ai ni clé, ni porte, ni maison, qui pourraient faire lien avec un passé qui devait être le mien.

Je roule sur des chemins qui se s’arrêtent jamais. Je traverse des villages, des villes dont je ne retiens pas les noms mais dont j’emporte le sourire de chaque visage.

J’aime les fleuves parce qu’ils sont une promesse, j’aime les arbres parce qu’il savent parler aux arbres, et quant aux bipèdes qui se rassemblent …j’ai peine à leur ressembler..

Je ne traîne pas, ni ne erre, je roule, donnant à la vie la certitude de ses heures comme un flocon sait donner à la terre le génie de son réveil.

Quand cela a t il commencé ? Je ne m’en souviens pas. Mais je sais que tout cela s’est produit souterrainement en moi et qu’un jour, cela est apparu aussi violemment qu’une lumière lorsqu’elle vient vous dire le secret d’une couleur qui vous fait comprendre la bêtise d’un toujours.

Un ras le bol ?… Un dégoût , une fatigue ? Ou tout simplement l’envie qui vient, ou vous revient, de vivre largement.

J’ai changé. Non, j’ai muté. Transféré-e-. ou juste recommencé-e.

Le changement d’aiguillage a-t-il été accidentel ? Génétiquement acté ? Cognitivement…acquis ? Malencontreusement provoqué ? Viralement inoculé ? Ventralement …respiré ? … Je ne sais. Tout cela était en moi. Construit par moi. Sujet de ma volonté.

Mais cela ne fut pas douloureux. Peut être épineux ?

Mais que deviennent les souvenirs des ronces lorsque l’aube apparaît ?

Je ne porte à ce jour en moi, ou sur moi, aucun stigmate d’un quelconque traumatisme. M’en suis je libéré ? l’ai-je effacé ? De l’un à l’autre, de l’autre à soi, de moi à l’un, je ne demeure en rien. Nul par ? Nul part, également.

Je me transverse et me déverse continuellement.

Je ne marche pas, non, c’est insuffisant d’écrire cela. C’est un mauvais angle.

Je ruisselle et absorbe , et dessine parfois sur la terre quelque arabesque qui ressemble joliment, lorsque le temps le permet, à la corolle d’un monde où s’accroche le calice de ce que j’aime appeler ma joie.

Joie d’être libre, d’être seule, d’être à moi. Ma joie. Qui me plaît et me suffit bien largement. Bien, heureusement. Voilà le cercle. Ouvertement.

Je fais cercle. De ce cercle qui dans une langue triomphante et ancienne signifie Amie.

Non je ne marche pas, en fait. Je ne marche plus.

Je fais cercle avec le monde qui est le mien.

J’ai laissé derrière moi des fenêtres d’absurdité.

Hier j’ai croisé un vautour, et j’ai vu ce qu’il avait laissé…D’un cercle, d’un cercle d’un seul je l’ai chassé. D’un cercle, pas d’une une pierre, les pierres sont faites pour ne pas oublier. Ou alors si on la jette c’est pour, avec elle, sombrer.

Après les bois, une clairière, quatre chevaux, le cri d’une barrière, et puis le vent qui n’a même pas pris le temps de s’en étonner. Il tonnait. c’est peu de chose à dire, je le reconnaîs, mais c’est beaucoup à vivre. Nomade…vagabonde…sans nom et sans papier. J’ai tout jeté. Je n’aimais pas ce qu’ils y avaient noté.

Et puis les montrer….pour prouver ? Rassurer ? Demander ? Justifier ?…

Les papiers c’est pour ceux qui ne savent pas vraiment écouter, ni regarder. Juste calibrer. Vendre ou bien acheter. Des titres pour une fiction.

Il pleuvait. Les corbeaux se sont regroupés. Et le vautour a pris mon poing dans sa gueule. La lune croissait.

L’été a devancé la pleine, et la colline a joué sa dernière marelle.

Le puits écoute le ciel danser. Et l’oiseau, oh l’oiseau lui, s’envole à merveille, c’est un pays vers lequel pointe un bon soleil mamellé.

C’est grand et beau le monde, le jour où on décide d’y songer.

Ça je ne le voyais pas bien, avant. Oui parce que forcément le temps en claquant les dents a fini par péter la bogue du chef-œuvre. D’un quoi ? d’un moi, menu, courtois, aimable, joyeux, extraordinairement vivace…Indissociable. Pas un symbole. Un cercle simple et puissant, à l’encre noire.La première lettre d’une nouvelle alpha- baie ?

Non, je n’ai pas de maison. Je suis la maison. Croire le contraire c’est comme croire qu’il faut avoir des obligations, des devoirs, une morale, enfin, tout ces trucs qui vous font pencher, trébucher, regretter, et qui vous pousse un beau jour à chercher une pierre pour vous y accrocher.

Des pierres je n’en jette jamais. Surtout pas dans le fleuve. Le fleuve, je lui fous la paix.

C’est pas que j’ai peur de le faire déborder, c’est juste que je trouve ça con. Plouf, un rond, des milliards de ronds…Moi ? c’est le cercle, le reste ça peut aller nourrir les poissons.

j’ai du être carré. Oui, certainement, bien carré. Un truc bien droit, avec des coins, On fait plein de choses dans les villes avec les carrés. Des cases, des potagers, des boites, des prisons.. Oui alors j’étais triangle…un truc dont on fait le Toi de toutes les maisons.

En tout cas un truc simple. Pas compliqué. Et pourtant ils en font des tonnes.. Un truc qu’on peu rangé et même souvent oublié, ou , tiens, jeté. Dedans dessous, on range, on cache, on plie, on remplie, on vide, on tasse, on conserve.. Ouais..si simple. Ou alors…Hénagone ? Un quadrilatère indescriptible ? Un myriagone ? Une tridécagone ? Un truc impossible, sans règle presque impossible de se le dessiner….Un truc qu’on avait pas imaginé.

Je n’ai pas de souvenirs. Plus. On garde des souvenirs par peur de mourir. Pour être moins seule le jour du grand désespoir. Une vague après l’autre. Jamais la même.

C’est mon aventure, pas mon histoire. Un espace. Sans fenêtre, sans histoire et sans regret. Un cercle, pour commencer, avancer, et tout renverser.

08.2020

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