Poème 'Le désespoir' de François Tristan L'HERMITE dans 'Les Amours de Tristan'

Le désespoir

François Tristan L'HERMITE
Recueil : "Les Amours de Tristan"

Stances

Celle que j’ai placée entre les immortels,
Et que ma passion maintient sur les autels,
La perfide a payé ma foi d’ingratitude.
Aux traits de sa rigueur je sers toujours de blanc,
Et son mépris n’ordonne à mon inquiétude
Que des soupirs de flamme et des larmes de sang.

Encore que mes vers, déguisant son orgueil,
Par de si beaux efforts la sauvent du cercueil,
La faisant adorer de l’un à l’autre pôle,
L’inhumaine qu’elle est se rit de mon trépas
Et, me pouvant guérir d’une seule parole,
Fait même vanité de ne la dire pas.

Puisque d’un si beau joug je ne puis m’affranchir,
Et que tous mes devoirs ne peuvent la fléchir,
Par un dernier effort contentons son envie :
Cessons d’être l’objet de tant de cruauté,
Et sortant de ses fers en sortant de la vie,
Témoignons un courage égal à sa beauté.

Affreuse Déité, démon pâle et défait,
Qu’on n’invoque jamais qu’en un tragique effet,
Où l’unique salut est de n’en point attendre,
Désespoir, je t’invoque au fort de mes malheurs ;
Par ton secours fatal viens maintenant m’apprendre
Comment on doit guérir d’incurables douleurs.

Avance-toi, de grâce, ô fantôme inhumain !
Fais un trait de pitié d’une barbare main
Et produis mon repos en finissant ma vie.
Je ne redoute point ce funeste appareil,
Car ne pouvant plus voir les beaux yeux de Sylvie,
Je ne veux jamais voir la clarté du soleil.

Ah ! je te vois venir accompagné d’horreur ;
La tristesse, l’ennui, la rage et la fureur
N’environnent ton corps que de fer et de flamme.
Tu tiens de l’aconit et portes au côté
Le poignard qui finit les regrets de Pirame
Et celui dont Caton sauva sa liberté.

Sur un ruisseau de sang qui coule sous tes pas,
L’image du dépit et celle du trépas
Bravent le sort injuste et la rigueur indigne ;
Et me montrant les maux que je dois éprouver,
La honte et la colère à l’envi me font signe
Qu’il faut que je me perde afin de me sauver.

Mourons pour satisfaire à l’inhumanité
De ce cruel esprit qui tire à vanité
De trahir mon amour et ma persévérance ;
Montrons à cette ingrate, en forçant ma prison,
Qu’en des extrémités où manque l’espérance,
On ne manque jamais de fer ou de poison.

Ainsi disait Tersandre en regardant les cieux.
Mille tristes hiboux passaient devant ses yeux,
Faisant autour de lui mille plaintes funèbres.
Il tenait un poignard pour ouvrir son cercueil,
Et la nuit, déployant sa robe de ténèbres,
N’attendait que sa mort pour en prendre le deuil.

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