Poème 'Les tourne sang' de ATOS

Les tourne sang

ATOS

Ceux de la terre d’en haut avaient dans leurs gestes la certitude de leur temps.
Les gens de la plaine les appelaient les malveillants,
Les tourne sang.
Ils les craignaient, les maudissaient,
se signaient à leur passage le plus souvent.

Ceux de la terre d’en haut avaient des yeux si bleus que d’un seul regard
ils semblaient envelopper le ciel.
Ils rythmaient de leurs pas le battement de la roche.
Ils étaient de la montagne,
Depuis le jour où ils étaient sortis de son ventre, en eux,
naissait la force des torrents.
Et chaque nuit, ils s’endormaient confiants contre ses flancs.

Ils étaient beaux et puissants. Incroyablement vivants.
Il étaient en silence, à l’écoute des murmures du temps.
Ils étaient patients comme le sont ceux qui reçoivent sans jamais
ne rien prendre.
Ils étaient de paroles simples, aux mots aussi purs que la sève des ravines.
Ils avaient l’odeur chaude, faite de pin et de miel, fraîche comme la source,
acide comme la première vigne.
Ils savaient que l’écorce ne faisait en rien la force des plus hautes branches,
et que c’était au nombre de cognées qu’il leur faudrait donner
qu’ils reconnaissaient la grandeur des arbres.

Il étaient enfants des fougères.
Ils attendaient l’orage, acceptaient le givre, et accueillaient le printemps.
Ils étaient d’une nature à laquelle il ne reprochaient jamais rien.
Qu’a-t-on à reprocher à sa propre chair ?

Mais puisque le hasard avait fait d’eux des hommes, ils répondaient toujours
à l’appel lorsque les poings de la plaine venaient à cogner contre la porte du
destin.
Il leur fallait alors rejoindre ceux de la terre d’en bas et se hisser avec eux
dans le ventre des trains.
Alors que la peur prenait tous les cœurs entre ses mains,
ceux de la plaine levaient les yeux vers le ciel et accrochaient leur mémoire
aux cimes échevelées par les vents.
Et c’est dans le parfum d’un morceau de pain offert par un tourne sang que
leur venait la certitude d’être vivant.
L’ignorance affame toujours les méchants.

A mon père,
qui m’a appris à regarder le ciel pour mieux voir les hommes.

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