Poème 'Lettre à Nâzim – IV' de ATOS

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Lettre à Nâzim – IV

ATOS

Eaubonne, le 01 décembre 2013 – Lettre à Nâzim – IV

«Qu’est ce que ça peut bien me faire?»… Est ce là la question que nous devons nous poser lorsque nous découvrons une œuvre ?
Qu’est ce que cela nous fait, qu’est ce que cela produit en nous? Cela nous concerne t il?
Et doit-on se poser cette question également lorsque nous écrivons, Nâzim ?

C’est difficile d’intégrer cela. Cette préméditation fait elle partie du travail?
La correction la relecture, la reformulation, oui.
Mais faut il avoir constamment en tête le fait qu’il faudrait toujours faire œuvre utile?
L’improvisation relèverait elle parfois de l’incorrection?
La spontanéité est-elle toujours la garante de la sincérité?
Disons qu’il ne faut pas oublier son but tout en gardant son élan.
La volonté doit porter en elle toute la précision de l’action.
Puisque c’est l’action qui te porte, je ne pense pas que cette formule te choquera.
Mettre en action et agir , est ce vraiment le même geste ?
La justesse de l’action ne doit elle pas être la priorité? La toute première question?
Nous en reparlerons si ta prochaine lettre me pose question.

La poésie pourrait être une flûte… Le poète trouve une branche. L’essence de cette branche est parfois différente, mais la matière, elle, reste la même.
Le poète est un facteur. Le poème est une mélodie, transmise par la flûte, et jouée par le flûtiste.
La flûte reste. Le facteur peut disparaître. La flûte peut être perdue, vendue, volée, donnée, cachée confiée, et même confisquée. Mais elle suit toujours son chemin.
Elle passe de main en main…
On l’entendra dans une fête, ou certains soirs de bataille, autour d’un feu de bois, sur un chemin, à travers bois, sur un banc ou sur un quai. Les flûtistes ne manquent pas. Pan avait sa flûte, le village d’Hamelin son joueur de flûte…
La flûte dans ses mains, une mélodie dans sa tête, un homme peut porter très loin les lettres de tous les combats.

Tu dis que le contenu d’un texte détermine sa forme?…
C’est, sans aucun doute, le meilleur moyen de ne pas obtenir un texte creux, une cruche pleine de mots et vide de sens.
Alors il faut reprendre, casser la forme pour laisser la place au contenu.
Potier et non tavernier, il ne faut pas confondre les métiers.
La beauté d’un chant ne se cache pas dans son ivresse.
Même si nous prenons un très grand plaisir à toutes nos ivresses.
Aimons les flûtes bien plus que les cruches.

Il faut impliquer le lecteur. Tu n’oublies pas que le poème est un message.
Le poème est conçu dans l’écrit, mais il vivra dans sa lecture.
C’est à ce devenir là qu’il faut le préparer.
Tu as raison, c’est comme cela, qu’il faut élever les mots.
Non pas les éduquer, mais les émanciper, ils n’ont pas vocation à rester accrochés à une plume, ils doivent s’envoler librement.
Le poème doit nous aller comme un gant. Ton image est élégante. Elle me plaît.
On ne force pas la lecture d’un poème. Le geste doit rester naturel. Élégant, jamais précieux.

J’ai tendance à croire que nous n’avons aucun mérite à retirer de ce que l’on écrit.
Mais nous démériterons toujours si nous négligeons son service.
Le seul retour que nous devons attendre, c’est l’assurance que les mots trouveront toujours un port où se poser. Voilà la fonction de la poésie. Et cela m’amène à penser que cela ne sera jamais un métier.
Alors à quoi bon lui chercher une utilité, Nâzim, à quoi bon?
Sa seule utilité réside peut être, comme tu le dis, dans sa réalité.
Une réalité que tu fais vivre chaque jour autour de toi, pour et parmi les hommes.
«Qu’est ce que ça peut bien leur faire», Nâzim, ta poésie ?
Toi dans ton siècle, et moi dans le mien.
Qu’est ce qu’elle peut bien me faire ta poésie, Nâzim, hein? à ton avis?..

Photographie : Fazil Say - Pianiste et compositeur turc

Photographie : Fazil Say - Pianiste et compositeur turc

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