Poème 'Nouvelle année' de Louis-Honoré FRÉCHETTE dans 'Feuilles volantes'

Nouvelle année

Louis-Honoré FRÉCHETTE
Recueil : "Feuilles volantes"

Tempus edax rerum.

Vents qui secouez les branches pendantes
Des sapins neigeux au front blanchissant;
Qui mêlez vos voix aux notes stridentes
Du givre qui grince aux pieds du passant;
Nocturnes clameurs qui montez des vagues,
Quand l’onde glacée entre en ses fureurs;
Bruits sourds et confus, rumeurs, plaintes vagues
Qui troublez du soir les saintes horreurs;
Craquements du froid, murmures des ombres,
Frissons des forêts que l’hiver étreint,
Taisez-vous!… Du haut des vastes tours sombres,
La cloche a jeté ses sanglots d’airain!…
Voix mystérieuse au fond du ciel blême,
Le bronze a sonné douze coups, – minuit!
C’est le dernier mot, c’est l’adieu suprême
Que le présent jette au passé qui fuit.
Minute fatale, insensible étape,
Rapide moment sitôt emporté,
Cet instant qui naît et qui nous échappe
A fait faire un pas à l’Éternité!
Plus prompt que l’éclair ou l’oiseau qui vole,
Ce temps qu’on dépense en voeux superflus,
Ce temps qu’on gaspille en calcul frivole,
Quand on va l’atteindre, il n’est déjà plus!

Un an vient de finir, un autre commence…
Penseurs érudits, raisonneurs subtils,
Vous qui disséquez la nature immense,
Ces ans qui s’en vont, dites, où vont-ils?

Ils vont où s’en va tout ce qui s’effondre;
Où vont nos destins à peine aperçus;
Dans l’abîme abrupt où vont se confondre
Avec nos bonheurs nos espoirs déçus;

Ils vont où s’en va la vaine fumée
De tous nos projets de gloire et d’amour;
Où va le géant, où va le pygmée,
L’arbre centenaire et la fleur d’un jour;

Où vont nos sanglots et nos chants de fête,
Où vont jeunes fronts et chefs tremblotants,
Où va le zéphyr, où va la tempête,
Où vont nos hivers, où vont nos printemps!…

Temps! Éternité! mystère insondable!
Tout courbe le front devant vos grandeurs.
Problème effrayant, gouffre inabordable,
Quel oeil peut plonger dans vos profondeurs?
Atomes sans nom perdus dans l’espace,
Nous roulons sans cesse en flots inconstants:
Seul le Créateur, devant qui tout passe,
Immuable, plane au-dessus des temps.

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Commentaires

  1. Aion dit à Kairos : « Ecrivons un sonnet »,
    Chronos le leur permet, ils n'ont rien d'autre à faire.
    Aion se gonfle alors comme une énorme sphère
    Et Kairos de grands coups de pinceau lui donnait.
    *
    Chronos aux alentours, calme, se promenait,
    Qui pas toujours avec ses adjoints n'interfère,
    Jugeant qu'en certains cas ils savent leur affaire
    (Ça fait un certain temps, déjà, qu'il les connaît).
    *
    Aion, sans prévenir, se réduit en un point,
    Les tracés de Kairos alors ne se voient point,
    C'est dommage, ils étaient d'une belle écriture.
    *
    Il faut se résigner. La surface du temps,
    C'est une bulle, et non un papier résistant :
    Elle ne retient pas notre littérature.

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