Poème 'Papineau (II)' de Louis-Honoré FRÉCHETTE dans 'La Légende d'un peuple'

Papineau (II)

Louis-Honoré FRÉCHETTE
Recueil : "La Légende d'un peuple"

Dites-moi, n’est-il pas assez étrange comme
Un peuple entier parfois s’incarne dans un homme ?

Cet homme porte-voix, cet homme boulevard,
Là-bas c’est Canaris, ailleurs c’est Bolivar,
Ici c’est Washington écrivant sa légende,
Plus loin c’est O’Connell en qui revit l’Irlande…

Quarante ans, transformant la tribune en créneau,
L’homme-type chez nous s’appela Papineau !
Quarante ans il tonna contre la tyrannie ;
Quarante ans de son peuple il fut le bon génie,
L’inspirateur sublime et l’âpre défenseur ;
Quarante ans, sans faiblir, au joug de l’oppresseur
Il opposa ce poids immense, sa parole ;
Il fut tout à la fois l’égide et la boussole ;
Fallait-il résister ou fallait-il férir,
Toujours au saint appel on le vit accourir ;
Et toujours à l’affût, toujours sur le qui-vive,
Du Canada français il fut la force vive !

La persécution, lasse de le traquer,
Cède un jour à l’appât le soin de l’attaquer.
Alors du vieux lion l’indomptable courage
Frémit sous la piqûre et bondit sous l’outrage.
Vous savez tous, ô vous que sa verve cingla,
Ce qu’il vous fit payer pour cette insulte-là !

Ô les persécuteurs arrogants ou serviles,
Fauteurs intéressés de discordes civiles,
Comme il vous foudroyait de son verbe éclatant !
Il savait être doux et pardonner pourtant.
Plus tard, après l’orage et les luttes brûlantes,
Ni les longs jours d’exil, ni les haines sanglantes,
Ni les lazzi moqueurs, ni l’oubli des ingrats,
― Quand l’athlète vaincu sentit vieillir son bras, ―
Ne purent ébranler cette âme fière et haute.
Sans fiel devant le crime, indulgent pour la faute,
Tout entier au pays, son cœur ne put haïr
Même les renégats payés pour le trahir !

Ô Papineau ! bientôt disparaîtra la trace
Des luttes qu’autrefois dut subir notre race.
Déjà, sur un monceau de préjugés détruits,
De tes combats d’antan nous recueillons les fruits.
Mais, quel que soit le sort que l’avenir nous garde,
Ainsi qu’au temps passé, debout à l’avant-garde,
À notre tête encore, ô soldat des grands jours,
Demain comme aujourd’hui nos yeux verront toujours,
― Que l’horizon soit clair ou que le ciel soit sombre, ―
Se dresser ton génie et planer ta grande ombre.

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